Dans une terre où la philosophie Soufie constitue une partie inextricable de notre patrimoine, la vie et moments du grand saint d’Algérie, l’Emir Abdel Kader (1808-1883) est unique, celle d’un Soufi qui était également leader politique et humanitaire exceptionnel.
A plusieurs égards, la vie d’Abdel Kader revêt une importance particulière pour le sous-continent car, outre la tradition soufie partagée, l’Algérie a émergé des déprédations d’une période coloniale sanglante et prolongée. Abdel Kader a passé une grande partie de sa vie à protéger l’identité nationale algérienne durant la période coloniale. Après l’indépendance, l’Algérie a également souffert d’un conflit qui a connu son apogée pendant les années 90s avec la guerre civile, connue par la décennie noire.
Né dans une tribu algérienne respectée, son père Muhyi ad Din était leader de l’ordre Qadriya fondé à Bagdad par le grand mystique Abd al Qadir al Jilani au 12ème siècle. Ayant grandi dans un environnement d’apprentissage et de spiritualité, Abdel Kader devait se consacrer à une vie d’étude et de méditation.
Cependant, l’invasion française de l’Algérie en 1830 l’a conduit à rejoindre la résistance armée pour protéger la population algérienne de l’assaut de l’armée française. La prouesse n’était pas des moindres vu qu’à l’époque, l’armée française était la plus puissante dans le monde. Bien qu’il n’avait aucune formation militaire officielle, ses prouesses dans le champ de bataille étaient sans égal. Non seulement il avait créé une organisation militaire qui a réussi à repousser des incursions françaises pendant seize ans, mais a également pu négocier une paix précaire avec les envahisseurs français. Pendant ce temps, il a pu galvaniser plusieurs tribus d’Algérie et créer les fondations d’un début d’Etat avec des écoles, un pouvoir judiciaire et un système fiscal équitable. En dépit de son important statut, il a vécu sans pompe et cérémonie dans une tente.
Face aux attaques sans répit de l’armée française, il a fini par se rendre en 1847, appelant les français à une paix. Des années d’emprisonnement et d’exil suivirent. Pendant ce temps, Abdel Kader a écrit de manière prolifique. Ses interprétations éclairées du Coran et du Hadith se trouvent dans son livre Kitab al-Mawaqif fi al-Wa’zwa-Irshad. Profondément influencé par sa vision Soufie, ses écrits continuent à retentir à ce jour, notamment dans un contexte de conflits sectaires qui ravagent des pays comme le Pakistan ainsi qu’une grande partie du monde arabe, “… Si vous pensez que Dieu est ce qu’en les différentes communautés croient—Musulmans, chrétiens, juifs, zoroastriens, polythéistes et autres – c’est ce qu’il est, mais beaucoup plus que cela. Si vous pensez et croyez ce que professent les prophètes, saints et anges – c’est ce qu’il est, mais il demeure encore plus que cela. Aucune de ses créatures ne le vénère dans son intégralité. Personne n’est infidèle dans toutes les manières relatives à Dieu. Personne ne connait toutes les facettes de Dieu. Chacune de ses créatures le vénère et le connait d’une certaine manière mais l’ignore dans d’autres manières. L’erreur n’existe pas dans ce monde sauf de façon relative.”
‘Si vous pensez que Dieu est ce qu’en les différentes communautés croient — Musulmans, chrétiens, juifs, zoroastriens, polythéistes et autres —c’est ce qu’il est, mais beaucoup plus que cela’
A l’instar de plusieurs maîtres soufis du sous-continent, Abdel Kader s’est inspiré des enseignements du mystique vénéré du 11ème siècle Ibn-e -Arabi. En réalité, plusieurs savants considèrent l’Emir Abdel Kader comme le principal adepte ayant raffiné la pensée d’Ibn-e-Arabi dans une période d’agitation sociale tumultueuse, la plaçant dans un contexte plus contemporain pour de nouvelles audiences.
Durant le temps qu’il a passé en Syrie pendant les années 1860, il a secouru 15000 chrétiens d’un imminent massacre suite à l’éruption d’un conflit dans la ville de Damas. Ceci lui valut une distinction par le Président américain Abraham Lincoln et par le Pape Pie IX. En Syrie, il s’est également consacré à l’enseignement de la philosophie, principalement selon les textes d’Ibn-e-Arabi.
A sa mort, sa bravoure exceptionnelle n’est pas passée sans reconnaissance par les français. En 1883, le journal français Le Figaro le décrit comme étant “l’adversaire le plus redoutable que la France ait rencontré sur le sol africain, l’homme qui, pendant seize ans de batailles héroïques, a combattu pour sa foi et pour l’indépendance de son pays, Abdel Kader est, incontestablement, le personnage le plus important qui a émergé parmi les populations musulmanes durant le dernier siècle ”
Dans le monde d’aujourd’hui où irritation et division ne cessent d’augmenter, les exploits d’Abdel Kader en tant qu’homme d’Etat, savant et humanitaire sont d’une extrême importance. A la suite du récent attendant terroriste de Manchester, le célèbre auteur Robert Fisk a affirmé que, “Nous devrions penser à lui plus que jamais.” Pendant ces temps de tensions croissantes dans la politique internationale, sa contribution distinguée et message global de paix et d’unité ne doit pas être oublié.
L’auteur est rédactrice en chef fondatrice de la revue Chip magazine. ses tweets : @MashaalGauhar