Coup de chaud diplomatique entre Paris et Alger

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L’Algérie a rappelé son ambassadeur en France pour protester contre la diffusion de deux documentaires sur France 5 et LCP.

 

Les régimes autoritaires ont souvent du mal à comprendre que les médias, dans les pays démocratiques, sont indépendants du pouvoir politique, dont ils ne sont pas les porte-parole. Cet «oubli» est à l’origine d’un nouveau coup de chaud diplomatique entre la France et l’Algérie, qui a rappelé mercredi son ambassadeur «immédiatement» pour consultation.

La raison? La diffusion, mardi, de deux documentaires télévisés – Algérie mon amour et Algérie: les promesses de l’aube évoquant, sur France 5 et LCP, le mouvement de contestation anti-régime Hirak qui, depuis le début de l’année 2019, demande la fin du «système». Dans un communiqué, le ministère des Affaires étrangères dénonce ce qu’il considère comme «des attaques contre le peuple algérien et ses institutions, dont l’armée». «Cet activisme où l’inimitié le dispute à la rancœur» peut-on également lire, «dévoile les intentions malveillantes et durables de certains milieux qui ne souhaitent pas l’avènement de relations apaisées entre l’Algérie et la France…»

 

Une relation volatile

Cinquante-huit ans après l’indépendance, les relations entre la France et son ancienne colonie sont toujours aussi sensibles et s’enflamment à la moindre occasion. La volatilité de la relation n’a pas changé depuis la chute de Bouteflika en avril 2019, ni depuis la prise de fonction du nouveau président Abdelmadjid Tebboune en décembre de la même année. Le lien n’a pas davantage été apaisé par la visite de Jean-Yves Le Drian début 2020 à Alger, où il avait rencontré le nouveau président. Prenant acte du changement de pouvoir, le chef de la diplomatie française avait insisté sur les convergences entre les deux pays. Dans la région, l’Algérie est en effet le partenaire clé de Paris dans les crises régionales en Libye et au Sahel.

Le mois dernier, l’ambassadeur de France à Alger, Xavier Driencourt, avait déjà été convoqué au ministère des Affaires étrangères, où on lui avait reproché les déclarations faites par un chercheur sur la chaîne de télévision France 24 à propos de l’aide médicale chinoise à l’Algérie. Au début de l’année, le président algérien avait dénoncé les propos d’Emmanuel Macron, qui au début du Hirak avait appelé à «une transition d’une durée raisonnable». Ses déclarations avaient été considérées comme «une ingérence dans les affaires» du pays. «L’Algérie n’est pas une chasse gardée de la France, avait affirmé Abdelmadjid Tebboune. L’Algérie, avec sa nouvelle génération et sa nouvelle direction, n’acceptera aucune immixtion ou tutelle.»

Le caractère tout à fait disproportionné du nouvel incident diplomatique suggère également une certaine fragilité du pouvoir, qui pourrait utiliser la carte du nationalisme pour masquer ses difficultés politiques et économiques. La crise sanitaire avait interrompu le mouvement populaire Hirak, mais nul doute que les manifestations reprendront quand elle aura été dépassée. Or, la crise économique qui s’annonce, en Algérie, comme partout ailleurs, risque de grossir le nombre des mécontents.

Cette nouvelle passe d’armes entre Alger et Paris intervient en outre à un moment où la répression se poursuit contre les opposants, les journalistes et les médias indépendants. La justice algérienne a refusé mercredi la demande de remise en liberté du correspondant de TV5 Monde Khaled Drareni, emprisonné depuis fin mars et devenu le symbole du combat pour la liberté de la presse en Algérie.

LE FIGARO

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