Complicité de crime

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Quoi qu’ils déclarent, quoi qu’ils fassent, quoi qu’ils entreprennent, le constat est accablant, pour ne pas dire déshonorant. Affirmer qu’ils n’ont pas été à la hauteur de l’événement serait un euphémisme. En fait, ils se sont dédits, se sont débinés à la première alerte, quand il a fallu prendre le taureau par les cornes, trancher dans le vif.

« Ils » ? Tous les supposés responsables des cent et une organisations palestiniennes qui ont pignon sur rue au Liban ; « Ils » ? Les supposés maîtres d’une situation de plus en plus volatile, les producteurs et souvent acteurs d’un drame sans cesse remis au goût du jour, sans cesse revisité, réorienté au gré des vents contraires, des consignes d’au-delà les frontières.

Du sud au nord, d’est en ouest, d’un camp géré par le Jihad islamique à un autre réquisitionné par le Hamas, d’une base implantée comme un cancer à Naamé à une autre étalée comme une plante vénéneuse à Kossaya, le panel est large et les arrière-pensées encore plus larges.
Les « fous d’Allah » ont envahi les camps, ont entraîné les repris de justice dans leur sillage, ont introduit des tonnes d’explosifs, des engins de mort, ont quasiment pris les réfugiés en otages, et les supposés responsables des cent et une organisations palestiniennes ont laissé faire, ont pavé la voie à l’irréparable.

Liban-Palestine, même combat : une cause poignardée, assassinée dans les ruelles de Gaza, sacrifiée sur l’autel des ambitions personnelles, des querelles de clans ; une cause démythifiée, dévoyée dans les ruelles de Nahr el-Bared, de Aïn el-Héloué, sur les collines de Naamé, de Kossaya, une cause rongée par le salafisme, égarée dans les bas-fonds d’Abi Samra, récupérée par le régime syrien, éminent défenseur des peuples opprimés…

L’irruption de Fateh el-Islam sur la scène libanaise a dévoilé, a révélé au grand jour les tromperies des uns, la duplicité des autres. Arafistes ou jihadistes, légalistes ou putschistes, tous ont menti, tous ont contribué à l’éclatement de la crise, à sa perpétuation. Et ce n’est pas le réveil tardif, hier, du Fateh de Arafat à Nahr el-Bared qui fera oublier les compromissions passées.

Dès le premier jour, tous s’étaient pourtant désolidarisés des terroristes, avaient promis leur aide à l’armée, s’engageant à extirper le mal à sa racine. Et au fil des jours, ils se sont faits tout petits, n’ont plus ouvert la bouche, assistant en « spectateurs affligés » au combat des soldats libanais contre les terroristes, à l’extension d’une pieuvre qu’ils ont accueillie en leur sein, qu’ils ont nourrie, alimentée sans sourciller.

Une escroquerie à laquelle s’est associée la Syrie en fermant trois de ses postes-frontières avec le Liban « pour empêcher le passage des terroristes », aux dires de Farouk el-Chareh ; hilarant diplomate en chef qui veut nous faire croire que les terroristes sont de parfaits gentlemen qui empruntent les voies de passage officielles pour passer d’un pays à un autre. Les passages clandestins, eux, n’existent évidemment que dans l’esprit de dirigeants libanais mal intentionnés !
Liban-Palestine, même combat : une bataille que la Syrie mène sur deux fronts et dont elle attend les meilleurs dividendes. « Nos alliés au Liban sont plus puissants que les autres parties », a martelé M. Chareh. Et de fait, à défaut d’être plus puissants, ces « bons alliés » se sont révélés très réceptifs, très coopératifs. M. Amr Moussa en a d’ailleurs eu la preuve la semaine écoulée, une preuve par deux, pour ne pas dire par trois, et qui achève de mettre le Liban à nu face aux dangers qui l’assaillent.

Une aberration intolérable, une complicité de crime, alors que la Finul est agressée au Sud, est menacée dans sa mission de paix, alors que l’armée paye le lourd tribut du sang pour protéger ceux-là mêmes qui veulent lui imposer des lignes rouges.

Grotesque mascarade politique, ignoble exploitation des moindres faux pas, des plus petites erreurs pour les transformer en affaires d’État. Et la semaine se conclut sur des débats forcenés, des insultes autour d’une mesure administrative qui aurait pu être modifiée sans tapage : la transposition du congé du vendredi saint au lundi de Pâques. Le Christ crucifié entraîné dans les sables mouvants de la politique politicienne, le Messie pris à témoin dans des règlements de comptes qui feraient honte à des charretiers : Dieu ne reconnaît plus les siens.

À Khiam, entre-temps, les Casques bleus meurent pour que vive le Sud, et à Nahr el-Bared les soldats donnent leur vie pour que vive le Liban…

L’Orient-Le Jour

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