En dépit d’une alliance de longue date avec Erevan, Téhéran a dénoncé « l’occupation » du Haut-Karabakh par les séparatistes arméniens.
Depuis le début du conflit au Haut-Karabakh, la République islamique d’Iran joue la prudence, essayant de trouver le juste milieu entre son partenaire de longue date, l’Arménie, et l’Azerbaïdjan, avec qui les relations ont toujours été plus complexes. Lorsque le conflit a éclaté dans l’enclave sécessionniste arménienne, fin septembre, Téhéran a été accusé de soutenir sa voisine du nord, l’Arménie, en laissant passer les armes russes. Une allégation qu’a toujours réfutée le ministère des affaires étrangères iranien.
Si, au début du conflit, la République islamique d’Iran semblait pencher en faveur de l’Arménie, aujourd’hui elle soutient de plus en plus explicitement l’Azerbaïdjan, pays musulman chiite, comme elle, et son intégrité territoriale. La position de l’Iran s’est affinée le 6 octobre, lorsque le proche conseiller aux affaires diplomatiques du Guide suprême, Ali Khamenei, Ali Akbar Velayati, a sommé l’Arménie de quitter les territoires qu’elle a « occupés », dans un entretien accordé au quotidien ultra conservateur Keyhan. « Le sud de la République d’Azerbaïdjan est occupé par l’Arménie. A ce propos, il existe quatre résolutions de l’Organisation des Nations unies [ONU] obligeant l’Arménie à quitter ces territoires et à rester dans les frontières reconnues internationalement », avait-il ainsi réclamé.
Soutien paradoxal
La proximité dont jouit Ali Akbar Velayati avec le Guide suprême, la plus haute autorité du pays, laisse peu de doutes : Téhéran soutient désormais, de manière indéfectible, Bakou dans le conflit qui l’oppose à Erevan. Un soutien paradoxal, car l’Azerbaïdjan reste un allié proche d’Israël, l’un des plus féroces adversaires de la République islamique d’Iran. Cette dernière a, en revanche, toujours entretenu d’intenses échanges avec l’Arménie, Téhéran lui fournissant du gaz et Erevan de l’électricité.
Les relations avec Bakou ont été, par moments, plus compliquées et même fragiles. Les deux pays sont en désaccord sur un certain nombre de points, dont la délimitation des frontières maritimes en mer Caspienne et la question de la minorité azérie en Iran, dont les revendications ethniques – comme l’apprentissage de leur langue dans les écoles – ont toujours été traitées comme une menace pour la sécurité nationale par Téhéran. Bakou accuse, de son côté, l’Iran d’instrumentaliser les groupes islamistes, ce que Téhéran nie.
Avant qu’Ali Akbar Velayati ne clarifie la position iranienne sur le Haut-Karabakh, les représentants du Guide suprême dans quatre provinces iraniennes majoritairement peuplées d’Azéris (l’Azerbaïdjan iranien occidental, oriental, Ardebil et Zanjan) avaient jugé, fin septembre, « complètement légaux selon la charia », la loi islamique, les efforts de Bakou pour reprendre ses terres au Haut-Karabakh. Dans leur lettre, ils avaient mis l’accent sur l’aspect religieux des liens entre les deux pays plutôt que sur l’aspect ethnique, en rappelant que l’Azerbaïdjan était « le pays de l’Ahl Al-beit », un terme arabe qui signifie « les gens de la maison », faisant référence à Mahomet et à ses descendants, dont les imams chiites.
Huile sur le feu
Le conflit au Haut-Karabakh a pourtant mis de l’huile sur le feu dans certaines villes iraniennes, notamment à Téhéran et à Tabriz, le chef-lieu de la province d’Azerbaïdjan oriental, où un appel à manifester a réuni début octobre des centaines de manifestants demandant la fin de l’occupation arménienne. Les organisations internationales des droits de l’homme ont déploré des dizaines d’arrestations parmi les manifestants, puis, dans les jours qui ont suivi, parmi les acteurs de la société civile dans les régions azéries iraniennes.
Pour Sanam Vakil, directrice adjointe du think tank britannique Chatham House, la prudence de Téhéran vient de sa « population relativement large d’Azéris », mais aussi de la multitude des acteurs impliqués dans ce conflit, « dont Israël, la Russie et la Turquie ». « En essayant d’adopter une position équilibrée, l’Iran cherche à s’affirmer comme un partenaire dans la région pour une désescalade. Il réclame son siège à la table de négociations, avec d’autres puissances », explique la chercheuse depuis Londres. Les appels de Téhéran pour jouer le rôle de médiateur sont restés pour l’heure lettre morte. Depuis le 25 octobre, l’Iran a massé des troupes le long de sa frontière avec l’Azerbaïdjan et l’Arménie, après des tirs sur son territoire en provenance du Haut-Karabakh. A de multiples reprises, Téhéran a menacé d’user de représailles si les tirs de mortier se poursuivaient.