Europe, Liban, conflit gréco-turc… le chef de l’État s’active sur tous les dossiers chauds de la diplomatie pour tenter de faire entendre la voix de la France.
Contrairement à l’actualité politique nationale, qui s’arrête brutalement en plein été, les secousses internationales ne prennent aucun répit. Depuis le mois d’août, le président, quand il réussit à s’extraire du rouleau compresseur de l’actualité qu’est redevenu le Covid, apparaît sur tous les fronts internationaux. Et si la traditionnelle conférence des ambassadeurs a été annulée cette année à cause de la crise sanitaire, l’actualité diplomatique ne lui a laissé aucun répit.
Deux visites éclair au Liban pour réaffirmer les liens qui unissent ce pays meurtri à la France et pour exiger des dirigeants politiques qu’ils rompent avec le statu quo et la corruption. Démarche sans doute vaine et qui sera insuffisante pour permettre à la France de reprendre pied au Moyen-Orient, où son influence a fondu, comme en Syrie et en Irak, ou ne donne pas les résultats escomptés comme en Libye, mais qui a été appréciée par le peuple libanais et qui honore l’ancienne puissance mandataire. Un dossier brûlant au Mali, où le coup d’État militaire en août a interrogé une nouvelle fois la stratégie antiterroriste de la France dans la zone sahélienne. Une attaque contre un convoi de travailleurs humanitaires au Niger, qui a fait dix morts français le mois dernier. Etc.
À VOIR AUSSI – Macron peut-il sauver le Liban?
Mais pour Emmanuel Macron, qui prendra au premier semestre 2022 la présidence de l’UE, la rentrée est d’abord européenne. La refondation du projet européen a toujours été sa priorité, mais jamais cette ambition, qui pourtant figure, selon les mots de l’un de ses conseillers, «dans son ADN», n’avait acquis un tel sentiment d’urgence. À cet égard, l’invitation d’Angela Merkel au fort de Brégançon, un an après Vladimir Poutine, au cœur de l’été, pour faire sa rentrée internationale, fut un symbole particulièrement fort.
Depuis que le plan de relance sur lequel Angela Merkel et Emmanuel Macron ont sué de longs mois et dont l’approbation a prouvé que l’Europe était capable d’un sursaut en cas de très grand danger, la relation franco-allemande est au zénith. Vue de Paris, elle est considérée comme le socle indispensable de toutes les initiatives européennes, l’énergie vitale qui permettra à la lourde machine européenne de ne pas «s’enliser», au continent de ne pas «sortir de l’histoire», selon les mots d’un haut diplomate.
Créer des convergences que Paris et Berlin porteront ensuite auprès de leurs partenaires et des institutions européennes: c’est la nouvelle méthode, moins personnelle et plus respectueuse des opinions des autres Européens, qu’Emmanuel Macron, voulant briser sa solitude et entretenir le feu européen, met en œuvre depuis le début de l’été. Le président français veut donner le premier rôle à l’Union européenne, lui faire une place au soleil entre la Chine de plus en plus agressive et les États-Unis de plus en plus en retrait. Il veut conserver l’élan permis par la pandémie, celui qui a fait bouger les lignes, pour pousser les ambitions européennes.
Main dans la main avec Angela Merkel
Le président est aussi à la manœuvre en Méditerranée orientale, où passe désormais également son chemin européen. Après avoir renforcé sa présence militaire dans la région pour manifester son soutien à la Grèce face à la Turquie, Emmanuel Macron s’est attaché à convaincre, d’abord l’Allemagne, puis les pays du Sud réunis en Corse pour le sommet Med 7, enfin ses autres partenaires de l’Union européenne, de la nécessité de faire front commun face à la Turquie. Relativement minoritaires au début de l’été, les positions françaises sur la Turquie ont gagné du terrain, à l’Union européenne comme à l’Otan. Le sujet turc sera d’ailleurs à l’ordre du jour du prochain Conseil européen des 24 et 25 septembre prochains à Bruxelles.
Très offensif vis-à-vis de la Turquie, le président français est resté plus discret envers la Russie, malgré l’empoisonnement de l’opposant Alexeï Navalny et les manœuvres du Kremlin vis-à-vis de la Biélorussie, où une révolution démocratique aimerait déboulonner son dictateur local sans avoir à se soumettre à son grand voisin autoritaire. Pour combien de temps? Car dans sa volonté d’avancer main dans la main avec Angela Merkel sur tous les grands sujets, Emmanuel Macron est obligé de tenir compte du durcissement de la position allemande vis-à-vis de la Russie.
À Berlin, l’empoisonnement d’Alexeï Navalny et les mensonges déployés par le Kremlin autour de l’affaire pourraient bien être la goutte d’eau qui fait déborder le vase, un tournant signant la fin des illusions européennes. Si la chancelière, comme elle l’a laissé entendre, décidait de geler le gazoduc Nord Stream 2 qui relie la Russie à l’Allemagne, elle tentera d’entraîner à sa suite les pays européens, dont la France. Ainsi va l’Europe, en empruntant parfois des chemins de revers…