TRIBUNE EXCLUSIVE – Dans Le Figaro, le secrétaire d’État des États-Unis défend la politique «dure» adoptée par Washington à l’égard de l’Iran.
«Il n’y a pas de politique qui vaille en dehors des réalités», a dit Charles de Gaulle. Cette maxime guide la politique des États-Unis à l’égard de la République islamique d’Iran. Nous reconnaissons ce régime pour ce qu’il est: le premier État commanditaire du terrorisme au monde et la principale source d’instabilité au Moyen-Orient. Je pense que nos amis français perçoivent eux aussi la véritable nature de Téhéran. Reste à savoir si la France est disposée à se joindre à nous pour s’opposer à l’Iran afin d’assurer la paix et la stabilité de la région.
La brutalité du régime actuel frappe en premier lieu le peuple iranien lui-même. Au cours de la seule année dernière, les forces de sécurité ont tué au moins 1500 manifestants pacifiques descendus dans les rues de tout le pays après une augmentation du prix des carburants. Le harcèlement, la discrimination et l’emprisonnement abusif sont choses courantes pour les membres de minorités religieuses, les femmes qui refusent de porter le hijab, les homosexuels et ceux qui dénoncent les autorités.
On compte également parmi les victimes de Téhéran certains de mes compatriotes américains. Le Hezbollah, soutenu par l’Iran, a tué des centaines d’Américains (et de nombreux ressortissants français) au cours d’attaques menées au Liban dans les années 1980, notamment lors de l’attentat à la bombe contre la caserne des marines à Beyrouth en 1983. Dix-neuf autres Américains ont péri en Arabie saoudite dans l’attentat des tours de Khobar commis par le Hezbollah en 1996. Et plus de 600 militaires américains ont été tués par des militants soutenus par les Iraniens au cours de la deuxième guerre d’Irak. Aujourd’hui, Téhéran retient trois Américains en otage.
Et cependant, les attentats qui ont fait couler le sang américain et commandités par l’Iran ne sont qu’une des formes de malveillance dans l’histoire de l’Iran au Moyen-Orient. En 2015, les pays libres espéraient que le Plan d’action global commun (PAGC) mettrait fin au comportement néfaste du régime – et en particulier à ses activités nucléaires illicites. Ils espéraient que le renforcement économique de l’Iran modérerait la violence subversive du régime.
Loin de rejoindre la communauté des nations, l’Iran a réagi à l’apaisement de l’Ouest par des massacres et une défiance accrus. Ce sont, l’an dernier, des missiles iraniens qui ont frappé des installations pétrolières saoudiennes, et des mines iraniennes qui ont explosé sur des navires marchands dans le golfe Persique. Au Yémen, les rebelles houthis appuyés par l’Iran alimentent l’une des pires crises humanitaires mondiales. Les milices chiites soutenues par l’Iran, telles que les Kataeb Hezbollah, portent atteinte à la souveraineté nationale et étouffent la démocratie en Irak. Les sables de Syrie sont gorgés du sang d’innocents à cause des forces iraniennes, du régime Assad appuyé par l’Iran et du Hezbollah.
Aucun pays n’a autant souffert que le Liban sous le talon de l’Iran. Le Hezbollah, mercenaire de l’Iran, y est depuis quelque trois décennies le principal acteur politique. Aujourd’hui, à Beyrouth, la corruption règne, le système financier et politique délabré fonctionne à peine, et les jeunes Libanais manifestent dans les rues au son de slogans comme «Iran dehors!».
Malheureusement, la France refuse de désigner l’ensemble du Hezbollah comme une organisation terroriste, comme l’ont fait d’autres pays européens, et freine les progrès de l’Union européenne dans ce sens. Au lieu de cela, Paris s’en tient à cette fiction qu’il existe une «aile politique» du Hezbollah, alors que celui-ci est entièrement contrôlé par un seul terroriste, Hassan Nasrallah. Je partage la frustration des vingt-sept personnalités publiques françaises qui, dans une tribune collective publiée dans Le Figaro , ont récemment appelé la France à adopter cette désignation.
Les faits sont les suivants: une fois le PAGC en place, le budget militaire de l’Iran est monté en flèche et les milices et terroristes soutenus par le pays ont obtenu davantage de fonds pour tuer et affermir leur présence dans tout le Moyen-Orient. L’Iran s’est doté de la plus grande force de missiles balistiques de la région et a enfreint de multiples dispositions de l’accord concernant les questions nucléaires. Le scepticisme manifesté par de nombreux dirigeants français à l’égard de l’accord durant les négociations semble aujourd’hui plus justifié que jamais.
Le président Trump pense que seule une pression maximale exercée sur le régime, et non l’apaisement, peut induire les changements de comportement que nous recherchons tous. C’est pourquoi les États-Unis ont imposé à l’Iran des sanctions économiques sans précédent et rétabli les mesures de dissuasion militaires à son encontre, notamment par l’élimination de Qassem Soleimani.
Notre campagne vise également à nous assurer que l’Iran ne puisse ni acheter ni vendre des armes conventionnelles – chars d’assaut lourds, avions de combat, missiles et autres. C’est ce qu’a fait le Conseil de sécurité de l’ONU en imposant à l’Iran des limites de transferts d’armes durant les treize dernières années. Mais les auteurs du PAGC ont commis une terrible erreur en fixant à ces dispositions une date d’expiration: le 18 octobre de cette année.
Les conséquences d’une levée d’embargo sont évidentes: le premier État commanditaire mondial du terrorisme fournira des armes à des terroristes ou à des tyrans. Les infrastructures de transports et d’énergie du Moyen-Orient – qui sont cruciales pour les économies de l’Europe et d’autres régions du monde – tomberont sous le coup d’une menace encore plus forte. Et les populations de la région seront exposées à des souffrances encore plus grandes aux mains des ayatollahs.
Rarement une évolution aussi dangereuse a-t-elle été aussi évitable. Mais le 14 août dernier, la France, et avec elle le Royaume-Uni et l’Allemagne, s’est abstenue d’appuyer la résolution visant la prorogation de l’embargo sur les armes introduite au Conseil de sécurité par les États-Unis.
Le prolongement de l’embargo aurait servi la mission de «maintien de la paix et de la sécurité internationales» qui est celle du Conseil de sécurité, la coopération transatlantique et plus généralement le multilatéralisme. Alors pourquoi nos amis européens n’ont-ils pas soutenu la proposition raisonnable qui était émise, ou au moins proposé une alternative? Pourquoi m’ont-ils affirmé en privé les dangers de la fin de l’embargo, mais n’ont pas agi en public?
Concernant la politique appliquée, il s’agit d’un problème de peur. Nos alliés européens craignent que, s’ils considèrent l’Iran comme responsable de son comportement déstabilisateur, Téhéran réagisse par des violations encore plus nombreuses de l’accord. Cette stratégie d’apaisement ne joue qu’en faveur de la grande stratégie de l’Iran. C’est une campagne d’extorsion diplomatique efficace, forgée par mon prédécesseur, le secrétaire d’État Kerry.
Les calculs politiques entrent également en jeu dans les prises de position de l’Europe, où plusieurs dirigeants refusent d’agir avant l’issue de la prochaine élection présidentielle américaine. Cette manœuvre cynique considère les mutilations et les massacres commis par l’Iran comme des dommages collatéraux acceptables, et estime que Washington, ce qui est regrettable, est plus dangereux pour le monde que Téhéran. Je me demande si les habitants de Beyrouth, de Riyad ou de Jérusalem, les villes les plus exposées à l’Iran, seraient d’accord. Comment est-il possible que la France vote contre l’embargo sur les armes, et que la semaine suivante le président Macron rencontre un haut représentant du Hezbollah à Beyrouth?
Le 20 août, j’ai fait appel à l’autorité des États-Unis afin de rétablir presque toutes les sanctions de l’ONU contre l’Iran que la résolution 2231 du Conseil de sécurité avait suspendues. Le rétablissement de ces sanctions n’a jamais été le premier choix des États-Unis, mais elles seront bientôt en vigueur pour de bon. Tous les pays sont tenus de les appliquer ; ne pas le faire porterait gravement atteinte à l’autorité et à la crédibilité du Conseil de sécurité et risquerait de normaliser une application sélective de ses résolutions. Comment les pays pourraient-ils alors se prétendre légitimement défenseurs du multilatéralisme?