RÉCIT
Soutenues par l’Arabie Saoudite, les forces fidèles au président yéménite ont repris lundi une base militaire près d’Aden.
Deux chars Leclerc de l’armée des Emirats arabes unis qui longent des façades d’immeubles grêlées d’impacts de balles. La photo de l’Agence France-Presse a été prise à une cinquantaine de kilomètres au nord d’Aden, au Yémen, mardi. La veille, les forces fidèles au président Abd Rabbo Mansour Hadi avaient repris la base militaire d’Al-Anad, à proximité d’Aden. Elles avaient reçu le soutien de 1 500 soldats émiratis, selon le quotidien saoudien Al Hayat. Il s’agit de la première victoire significative de la coalition et des forces loyalistes depuis le début de l’opération lancée par l’Arabie Saoudite en mars. L’intervention, à laquelle participent des pays du Golfe, vise à repousser les rebelles houthis, des miliciens d’obédience chiite soutenus par l’Iran, qui se sont emparés ces derniers mois de l’ouest du pays, dont la capitale Sanaa.
Mercredi, les forces loyales à Hadi continuaient à progresser depuis la base d’Al-Anad. Elles ont repris la majorité de la province voisine de Lahj et se dirigent désormais vers celle d’Abyan. «La reconquête d’Abyan est la prochaine étape», a assuré leur porte-parole. Taëz, à l’ouest d’Aden, figure également parmi les objectifs. Les Saoudiens n’entendent pour autant pas se cantonner au sud du Yémen, où les loyalistes se sont alliés avec des groupes séparatistes. Preuve qu’ils entendent poursuivre leur offensive dans le reste du pays, dont Sanaa, ils ont envoyé dans la nuit de mercredi à jeudi de nouveaux équipements militaires, dont des dizaines de tanks et de véhicules blindés, dans le nord, via le poste-frontière de Wadia.
«Un dépotoir à ciel ouvert»
En seulement quatre mois, la guerre a déjà fait plus de 4 000 morts, selon l’ONU. La ville d’Aden a particulièrement souffert. Elle a subi bombardements de la coalition, tirs d’artillerie houthis et combats de rue. «La ville est complètement détruite. Elle est devenue un dépotoir à ciel ouvert», dit Thierry Goffeau, coordinateur de Médecins sans frontières (MSF), de retour d’une mission au Yémen. Les combats sont aujourd’hui moins intenses mais se poursuivent malgré le retrait des forces houthies. «La ville reste extrêmement dangereuse. Il y a énormément de balles perdues, notre hôpital est touché chaque jour. Nous avons dû recouvrir les fenêtres de plaques de métal», poursuit Thierry Goffeau.
Certains habitants commencent toutefois à revenir. Ils découvrent des rues recouvertes de gravats et aux immeubles écroulés. La situation sanitaire est catastrophique. La pénurie de fuel, qui sert non seulement à alimenter les générateurs d’électricité mais aussi les pompes à eau, est toujours aussi prégnante. «Toute la population civile en souffre. Cela s’ajoute à un système de santé en passe de s’écrouler, quand il est encore fonctionnel. Au manque de médicaments s’ajoute celui des personnels. Les infirmières et les médecins étrangers, surtout philippins et indiens, ont été évacués au début du conflit», explique Laurent Sury, responsable des urgences de MSF.
Selon les ONG, les difficultés d’approvisionnement en produits de première nécessité tiennent en partie à l’embargo sur les armes destinées aux milices houthies imposé par une résolution de l’ONU le 14 avril. «Nous n’arrivons pas à nous mettre d’accord avec la coalition sur un mécanisme de contrôle des cargaisons que nous tentons de faire venir. Il faudrait en réalité mettre en place un accord avec l’ensemble des belligérants pour faciliter l’accès au pays», explique un responsable de MSF. Jeudi, pour la première fois en quatre mois, un avion civil a atterri à l’aéroport d’Aden. Il transportait des réfugiés qui rentraient à Aden. «L’aéroport est désormais sûr […] et pourra accueillir des cargaisons humanitaires», a assuré jeudi le directeur de l’aéroport Tarek Abdo.