L’accord de Taëf et le partenariat confessionnel qu’il reflète apparaissent de plus en plus comme un modèle à étendre à d’autres pays de la région exposés à des secousses politico-religieuses et sociales, estime-t-on dans des chancelleries occidentales, où l’on plaide pour le maintien du statu quo au Liban. Ce type de système politique, juge-t-on, se présente en effet comme une alternative viable pour des pays hétérogènes sur le plan socioreligieux, où la question de la participation au pouvoir et de la représentation au sein de l’appareil administratif et politique se pose de la manière dont elle se pose au Liban.
C’est la raison pour laquelle aussi bien dans les déclarations faites par des États pris individuellement ou par des instances internationales comme l’Onu, la Ligue arabe ou l’Union européenne, on a l’impression que personne ne souhaite une modification de l’accord de Taëf. Dans les sphères diplomatiques, on a même reproché au président sortant Michel Sleiman d’avoir demandé que des amendements soient introduits à cet accord, au nom d’un meilleur équilibre du pouvoir.
Cette volonté de ne pas toucher à l’accord s’étend aussi au projet d’amendement prêté à l’aile dure du Hezbollah, qui souhaitait faire évoluer le principe de la parité islamo-chrétienne vers une représentation aux trois tiers chrétiens-sunnites-chiites. Au demeurant, selon l’un des membres de la conférence de dialogue, à l’idée d’une « nouvelle Constituante » lancée par le secrétaire général du Hezbollah, le président de la Chambre, Nabih Berry, avait réagi négativement et fait savoir qu’il est fermement attaché à l’accord de Taëf et à la parité islamo-chrétienne, et qu’il refuse d’entendre parler des « trois tiers ».
L’accord de Taëf fait par ailleurs son chemin dans les cercles arabes et internationaux. Le 26e sommet arabe qui s’est tenu à Charm el-Cheikh s’y est référé en termes particulièrement élogieux et prometteurs. Il a ainsi tenu à affirmer son attachement à « la formule libanaise pluraliste unique reposant sur la parité entre musulmans et chrétiens, la coexistence entre les religions, le dialogue et le pardon réciproque, l’acceptation de l’autre et la condamnation de cette antithèse que sont les régimes terroristes ».
De même, dans sa déclaration présidentielle datant du 20 mars 2015, le Conseil de sécurité de l’Onu a relevé lui aussi l’importance de l’accord de Taëf et la nécessité d’y rester attaché, invitant les Libanais à élire un président et à s’en tenir à leurs traditions démocratiques, ainsi qu’à la politique de « distanciation » ou de neutralité positive.
Selon un homme politique qui suit de près les étapes du dialogue engagé entre le courant du Futur et le Hezbollah, et en dépit de la difficulté, admise par tous, de parvenir par ce biais à un accord sur la personne du président, l’attachement à la formule de Taëf et le maintien de la stabilité interne ressortent de plus en plus comme souhaitables par les deux parties.
De même, il semble que les deux camps apprécient la continuité des institutions assurées par le gouvernement présidé par Tammam Salam. Cet acquiescement venu des deux camps reflète en fait la volonté de leurs parrains de maintenir le statu quo, en attendant que le dossier de la présidentielle mûrisse et que le moment favorable à l’élection présidentielle se présente.
Dans ces milieux, on exclut en particulier toute possibilité de perturber le jeu politique interne par le biais, par exemple, d’un torpillage du gouvernement de M. Salam ou, sur le plan de la sécurité, par la reformation d’abcès de fixation internes comme ce fut le cas à Saïda ou Tripoli.
Pas de retour en arrière est le mot d’ordre que l’on cherche à suivre dans ces milieux, dans la conscience qu’il est des « lignes rouges » à ne pas franchir sous quelque prétexte que ce soit, en dépit de la tension régionale qui se manifeste entre l’Iran et l’Arabie saoudite. En conséquence, un « parapluie externe » qui protège le Liban et le garde à l’écart de l’embrasement régional reste un choix stratégique.