« Faut-il s’attendre à une attaque du genre 11 Septembre 2001, peu après le retrait des forces américaines d’Afghanistan, ou même avant ? » La terrible question est posée dans une lettre écrite par Cheikh Mustafa Hamed, le vétéran arabe du djihad en Afghanistan (où il était arrivé en 1979), et beau-père du commandant militaire d’al-Qaida, « Seif al-Adel », adréssé à un homme connu dans les documents US comme « le trésorier d’al-Qaida » et plus tard (en 2007) comme le « commandant militaire d’Al-Qaida en Afghanistan » – Mustafa Abul Yazid, alias « cheikh Saïd ».
La lettre de Mustafa Hamed a été publiée exclusivement, en arabe, sur le site libéral Middle East Transparent (ou Shaffaf) le mercredi 4 Mars. Elle commence par : « De Cheikh Mustafa Hamed à mon frère Cheikh Saïd, commandant militaire d’Al-Qaïda en Afghanistan : comment pouvez-vous déclarer trois guerres dans une entrevue de 30 minutes ? ». La lettre transmise récemment fait référence à une interview diffusée par Al-Jazira en juin 2009, dans laquelle Cheikh Saïd semblait « déclarer la guerre » aux Étas-Unis, l’Iran et le Hezbollah.
Afin de mettre la lettre dans son contexte, il convient de mentionner que l’auteur, Moustafa Hamed, vit en Iran en « résidence surveillée» depuis 18 mois maintenant, avec son gendre, le fameux « Seif el Adel », connu par des sources US (qui ignorent tout de son vrai nom et de son identité) comme étant le commandant militaire d’Al-Qaïda. Étonnamment, le nom de Hamed n’est pas dans les listes des « Most Wanted » du FBI, probablement parce qu’il a toujours été contre l’attaque terroriste du 11 Septembre (« le raid sur Manhattan » dans la littérature intégriste). Plus surprenant encore, le destinataire avait été « le trésorier du 11 septembre 2001 » (il avait transféré les fonds nécessaires pour Mohamed Ata et ses associés), bien qu’il fût lui-même, dit-on, opposé à l’attaque. Non pour des raisons morales ou politiques, mais sur la base de son serment d’allégeance, ainsi que celui de Ben Laden, au mollah Omar, le chef suprême des talibans qui ignorait tout du projet.
Une source fondamentaliste crédible dit que Cheikh Saïd a fait valoir que Ben Laden n’aurait jamais pu ordonner une attaque massive contre les US « dans le dos du mollah Omar » ! Pourtant, il finit par obéir à son maître Oussama ben laden et s’est rendu aux Émirats arabes unis d’où les fonds de la terreur ont été transférés aux US.
La lettre confirme sans équivoque que Oussama ben laden avait déménagé de l’Afghanistan au Pakistan fin 2009. Hamed insiste sur le fait que Ben laden est (et a été, même lorsqu’il se cachait en Afghanistan) sous le contrôle des Pakistanais.« Et tu sais mieux que quiconque quel genre de personne sont les militaires Pakistanais » ajoute-t’il.
Critiquant le commandant militaire d’Al-Qaïda d’avoir déclaré qu’il espérait une reprise du Pakistan (et de son arsenal atomique) par des talibans pakistanais, comme un prélude pour une attaque nucléaire contre le territoire des USA. Hamed demande à son « frère, le cheikh Saïd » quelle serait l’attitude du peuple pakistanais s’il savait qu’un gouvernement taliban impliquerait leur pays dans un échange de frappes avec la première puissance nucléaire. Et de conclure que « les Pakistanais feraient tout leur possible pour empêcher les talibans d’accéder au pouvoir et d’exposer leur pays à une destruction totale. »
« Armes biologiques plutôt que nucléaire »
Tout en mettant en garde contre la folie d’une attaque nucléaire contre les Etats-Unis, Hamed propose un scénario pas plus réjouissant.
Compte tenu de la fragmentation du mouvement djihadiste mondial en petits groupes (« graine de résistance »), composé d’un seul individu dans certains cas, et de sa dispersion sans précédent à travers le monde, Al-Qaïda et ses associés devraient adopter « les armes biologiques » : « bon marché, flexible, facile à préparer, facile à transporter , facile à utiliser » affirme Hamed dans sa lettre.
« Relâchement » dans les opérations d’Al Qaïda en Arabie Saoudite !
Même si Hamed n’apprécie pas l’hospitalité forcée du régime des mollahs (« Il y a pire que la mort, la perte de la liberté et l’éloignement du djhad »), il s’oppose à la déclaration de « guerre contre l’Iran et contre le Hezbollah ».
Il précise : « Ne poussez pas l’Iran dans une alliance ouverte avec les Etats-Unis contre les talibans et contre Al-Qaïda ». Se référant aux précédents contacts américano-iraniens sous la présidence de Mohamed Khatami et d’Ahmadinejad, il insiste sur le fait que la « République Islamique » d’Iran devrait mettre l’ancien président Khatami en procès pour haute trahison.
Pourtant, Hamed réserve ses critiques les plus dures à une connivence présumée entre les autorités saoudiennes et Ben laden et ses partisans. Premièrement. Ben Laden devrait s’éloigner de l’influence néfaste « religieuses, politiques ainsi que financière» de l’établissement religieux saoudien officiel. En d’autres termes, et contrairement aux proclamations officielles saoudiennes, Al-Qaïda continue de recevoir un soutien financier « privé » d’Arabie-saoudite.
« En outre, en réponse à une question sur votre attitude à l’égard du régime saoudien, en particulier après le relâchement dans votre opération (terroriste) en Arabie Saoudite, vous aviez dit que l’Arabie Saoudite jouissait d’une estime particulière dans le cœur de chaque musulman ».
Pour conclure, avec regret qu’il lui semble que « le renversement du régime saoudien n’est plus à l’ordre du jour d’Al-Qaïda qui ne s’attaquera plus aux forces de sécurité et militaires saoudiens. Si c’est le cas, pourquoi Al-Qaïda encouragerait-elle ce genre d’opération contre les dirigeants et contre l’appareil militaire de pays comme l’Algérie, l’Egypte, la Somalie, l’Irak, le Pakistan et l’Afghanistan ? ».
Cela semble donner de la crédibilité aux informations de la presse Pakistanaise sur une reprise de contact entre des dirigeants saoudiens de renseignements avec les Talibans, ainsi qu’une partie d’Al-Qaïda. Il est tout à fait plausible que des pourparlers soient en cours entre les Saoudiens et les Talibans, probablement avec l’approbation des États-Unis. Après tout, les US ont ouvertement encouragé les Talibans à se livrer à une politique de “réconciliation” en Afghanistan. (Pour plus d’informations sur ce point, lire Amir Mir: « Le Pakistan filets de neuf des dix-huit pays membres de Quetta Shura »).
En ce qui concerne le relâchement des opérations d’Al-Qaïda, la dernière attaque terroriste en Arabie Saoudite même avait été la tentative d’assassinat du vice-ministre saoudien de l’Intérieur en Août 2009. Et Hamed semble conclure qu’il y a une sorte de « cessez le feu » qui a été conclu entre Al-Qaïda et les autorités saoudiennes, ce qui permettrait de rassembler toutes les forces dans la confrontation imminente avec L’Iran chiite.
Traduit par Sérine Akar (serine.akar@gmail.com)