LE MONDE
TÉHÉRAN ENVOYÉ SPÉCIALE
Marie-Claude Decamps
Il y avait, avant lui, une boutique de photo qui a fait faillite. Reza Taffeschi n’a pas jugé utile de changer l’enseigne. A quoi bon : dans ce quartier populaire de Téhéran, c’est fréquent. Lui, fait dans l’alimentaire : à même le sol, bidons d’huile, céréales, graines. Un bric-à-brac odorant, qui, espère-t-il, le fera vivre. Au moins un moment. Les étiquettes sont instructives : riz pakistanais, conserves chinoises et italiennes, thé indien. Rien d’iranien ? Perplexe, il se gratte le crâne et finit par dénicher un sac de riz : « Il me reste ça, et aussi un peu de sucre. On ne trouve plus à vendre que du thé darjeeling, du Nescafé, on importe tout. Notre production se fait rare. » Une femme en tchador marchande des aubergines, il plaide : « Laisse, ma fille, elles ont augmenté. Prends plutôt des tomates, elles ont un tout petit peu baissé… » Elle partira sans rien. « Tout le monde se plaint, les prix zigzaguent, commente Reza, fataliste. Je ne sais pas de quoi demain sera fait… »
Dans un quartier chic au nord de Téhéran, un petit supermarché affiche un air de prospérité : caisses enregistreuses, éclairages élégants, et même réalité. Le préposé du rayon frais nous confirmera à voix basse, comme si les clients ne l’avaient pas déjà noté, que « le boeuf a augmenté de 25 %, le poulet de 20 % et le poisson de 40 %. Beaucoup n’achètent plus qu’une fois par semaine ». A trois rues de là, Abol-Hassan, grand adepte de Beethoven, écoute une sonate et fait ses comptes dans sa petite librairie-papeterie.