Qu’est-ce qui confère à la Celle Saint Cloud ce charme irrésistible que Beyrouth ne possède pas ? Comment le refus obtus de la main tendue au dialogue s’est-il subitement transformé en docilité ? Et enfin pourquoi l’opposition a refusé à Moussa ce qu’elle accepte aujourd’hui de donner à Kouchner ?
Il n’est point d’énigme derrière ces questions. La « concertation » interlibanaise à la Celle Saint Cloud a ceci de particulier qu’elle fournit à l’Iran une occasion exceptionnelle de lancer une offensive de charme sans précédent en direction de la France et d’en récolter immédiatement et à peu de frais les dividendes.
Le premier et le plus important de ces dividendes est d’obtenir de la France (c’est déjà fait), ensuite de l’Europe et des Etats-Unis une reconnaissance définitive du rôle de l’Iran comme puissance régionale incontournable au Proche-Orient. Et ce n’est pas le trio des « Arabes modérés » (Arabie Saoudite, Egypte, Jordanie) et encore moins leur « postier » Amr Moussa, qui étaient capables de la lui offrir. Le prix à payer en contrepartie est réellement négligeable, puisqu’il a suffi de montrer un peu de souplesse sur le dossier libanais.
Ce résultat étant acquis, un deuxième plus tangible peut facilement être obtenu sur le dossier nucléaire. En privilégiant la France comme « partenaire » exclusif sur le dossier libanais, l’Iran élargit le fossé entre un Président français fraîchement élu et soucieux de se distinguer de son prédécesseur et un Président américain sur le déclin. Et en permettant à la France de réussir là où les Arabes et leur Parrain américain ont échoué, L’Iran peut espérer de la France qu’elle intervienne en sa faveur pour renvoyer sine die les sanctions du conseil de sécurité.
Sur le dossier libanais, les gains ne sont pas moins spectaculaires. Pour la première fois de son histoire, le Hezbollah fait une entrée fracassante sur la scène internationale. Ce n’est pas peu que l’avatar « terroriste » iranien soit officiellement admis sous les lambris dorés de la Celle Saint Cloud. Mieux, cela se fait au nez et à la barbe des Etats-Unis et même de la France qui a dû précipitamment effacer l’impair du porte-parole de l’Elysée afin de sauver de l’effondrement la première initiative française de l’ère post-chiraquienne.
La « légitimité » ainsi renouvelée du Hezbollah apporte, par ailleurs, une confirmation supplémentaire du rééquilibrage souhaité par Nicolas Sarkozy de la politique de la France au Liban et conforte l’opposition libanaise face à une majorité qui n’a que faire des soutiens verbaux de ses parrains arabes et internationaux.
Les dividendes multiples ainsi engrangés en contrepartie d’arrhes aussi modestes (permettre la tenue du dialogue) permettent enfin et surtout à l’Iran de damer le pion à l’ensemble des régimes arabes: d’abord à ses rivaux proaméricains, mais aussi à la Syrie qui est contrainte de se plier aux injonctions de son puissant allié lorsque les intérêts de ce dernier sont en jeu.
http://heuristiques.blogspot.com/