Des sources diplomatiques affirment craindre que Téhéran, et plus particulièrement l’aile dure du régime, ne se livre à une escalade pour entraver les règlements attendus dans la région, notamment après l’échec des conservateurs aux élections du Conseil des experts, l’instance qui désigne le wali el-faqih (guide suprême), et l’avancée notable du courant modéré conduit par Hassan Rohani et Ali Akbar Hachemi Rafsandjani.
Les résultats des élections se sont répercutés sur les déclarations du guide de la République, Ali Khamenei, qui s’est livré à une escalade verbale contre le courant modéré. À cela est venu s’ajouter l’échec du Hezbollah à enregistrer des victoires en Syrie et à imposer sa volonté à l’opposition.
Des sources parlementaires du 14 Mars craignent ainsi que cette déroute du parti chiite dans ses efforts pour restaurer la mainmise du régime Assad sur le territoire syrien ne laisse des séquelles, à l’heure où le conseil de la Choura du parti n’a jusqu’à présent pas pu clôturer son débat interne concernant son retrait de Syrie par une décision fixe et ferme. Pour la simple raison que cette décision ne lui appartient pas : elle dépend en effet du bon vouloir de wali el-faqih et des gardiens de la révolution.
Il en est également de même pour ce qui est de l’échéance présidentielle. Téhéran reste attaché à cette carte pour conserver un ascendant supplémentaire dans le cadre des négociations sur les crises régionales. C’est pourquoi le Hezbollah a superbement ignoré l’appel que lui a lancé Saad Hariri afin qu’il retire ses troupes de Syrie et qu’il planche sur un accord concernant l’échéance présidentielle. Le parti chiite a réservé le même sort à Walid Joumblatt, qui l’avait invité au dialogue autour d’une table pour dissiper ses craintes relatives au maintien de son arsenal, afin qu’une entente permettant de débloquer l’échéance puisse avoir lieu.
Partant, la présidentielle fait du surplace, puisque le Hezbollah campe sur ses positions et continue d’accaparer l’échéance, en dépit du soutien respectif de Saad Hariri et Samir Geagea à deux des pôles du 8 Mars, les députés Sleiman Frangié et Michel Aoun. Qui plus est, le dossier n’est pas en tête des priorités internationales, le monde étant focalisé actuellement sur le conflit israélo-arabe et la solution des deux États, dans le but d’accélérer le train de solutions aux crises régionales par le biais du dialogue et des négociations, et de couper l’herbe sous le pied du terrorisme et de l’extrémisme.
Une fois de plus, des diplomates occidentaux appellent les autorités libanaises à assumer leurs responsabilités et à élire un président de la République, dans la mesure où ils restent en mesure de relibaniser l’échéance, à condition que la volonté y soit. La communauté internationale, elle, reste entièrement disposée à aider les leaders libanais dans leurs efforts. Ainsi, l’émissaire onusienne Sigrid Kaag aurait visité la semaine dernière Moscou, après Riyad, Téhéran et Paris, à la demande de Ban Ki-moon. Elle devrait tenir le secrétaire général de l’Onu au courant des résultats de ses contacts, cette semaine, lors d’une rencontre aux Pays-Bas. De sources russes responsables, Moscou, qui impute désormais à Téhéran la responsabilité du blocage présidentiel, serait en faveur d’un président consensuel, après l’échec des candidatures de MM. Aoun et Frangié. Mais la Russie ne conseille pas pour autant aux Libanais de montrer du doigt l’Iran comme responsable, dans la mesure où cela ne ferait que compliquer la situation…
De sources diplomatiques, Téhéran n’a aucunement l’intention de faciliter l’échéance présidentielle, à moins que l’avancée des négociations sur le Yémen au Koweït ne constitue une chance d’un rapprochement saoudo-iranien. Si cette seconde tendance se confirmait, la France pourrait alors reprendre, par le biais de Jérôme Bonnafont, sa médiation avec l’Iran pour débloquer la présidentielle au Liban.
L’Orient Le Jour