Après avoir à diverses occasions soutenu le mode de scrutin proportionnel par le passé, les partis chrétiens ont opéré un revirement vers le modèle mixte ou le système à deux tours prévoyant la préqualification. Pourquoi les principales formations ont-elles ainsi tourné le dos à la proportionnelle ?
C’est la question que l’on se pose dans les milieux chiites où l’on tient à rappeler que bien avant son élection, le président de la République, Michel Aoun, avait annoncé lors des réunions de la table de dialogue tenues à Aïn el-Tiné son appui à la proportionnelle, réitérant cette position à plusieurs reprises depuis Rabieh où il résidait. Par la suite, le gouvernement de Nagib Mikati désigné en 2011 a approuvé un projet de loi en ce sens, fondé sur un découpage en 13 circonscriptions. Le texte fut transmis au Parlement qui, à ce jour, ne l’a jamais examiné.
Aux interrogations formulées par le tandem chiite, les Forces libanaises répondent en indiquant que les circonstances qui avaient légitimé l’appui à la proportionnelle ont radicalement changé aujourd’hui. À l’époque, le pays était divisé en deux camps, ceux du 8 et du 14 Mars. Les FL rappellent d’ailleurs que leur formation avait au départ réclamé à Bkerké l’adoption de la loi dite « orthodoxe », avant de présenter un projet fondé sur cinquante circonscriptions pour finir par avaliser la proportionnelle, l’objectif étant alors d’en finir avec la loi de 1960. Et d’expliquer que le refus de la proportionnelle aujourd’hui par l’alliance FL-CPL n’est pas tant en vue d’une mainmise sur les sièges chrétiens que pour réconforter les chrétiens en leur donnant le sentiment que leur vote a un sens et peut influer puisqu’ils auront l’opportunité d’élire les députés qu’ils souhaitent par le biais d’une participation effective. Il va de soi que les circonstances qui prévalent aujourd’hui ont radicalement changé, notamment à cause de l’accroissement de la pression des organisations terroristes et du radicalisme en général qui vise notamment le Liban par le biais de cellules dormantes dans certaines régions et dans les camps palestiniens. Les arrestations régulières effectuées par les forces de l’ordre d’éléments liés à ces organisations en sont la preuve.
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Pour les FL, la proportionnelle, qui est une tentative d’imposer une démocratie du nombre, porte d’abord atteinte à la Constitution de Taëf et à son esprit. Selon cette formation, ce mode de scrutin ne convient aucunement au système libanais fondé sur un communautarisme composé et complexe, puisqu’il remet en cause la juste représentation des chrétiens. C’est la raison qui justifie leur refus de la proportionnelle et leur attachement au système mixte. Dans les milieux FL, on argue du fait que la proportionnelle doit être appliquée en concomitance avec la création du Sénat et la décentralisation administrative ainsi que la mise en place d’une stratégie de défense pour consacrer le monopole de la violence aux mains de l’État.
Les FL restent ainsi convaincues que seul le système mixte peut rectifier les lacunes en matière de représentation chrétienne puisqu’il permet aux députés de cette communauté d’être élus par des électeurs issus de la même communauté. Les Forces libanaises réaffirment par la même occasion leur refus de tout projet de loi imposé par la force, faisant allusion aux initiatives prises par certaines parties politiques. Enfin, le dernier argument avancé dans ces milieux est celui de l’expansion du terrorisme dans la région, une raison valable pour repousser la proportionnelle et empêcher l’accès à l’hémicycle de certains éléments radicaux.
Évoquant le dernier projet dit de la préqualification présenté par le chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, un responsable des FL a fait état de contacts qui ont actuellement lieu avec ce dernier en vue de l’amendement de son projet initial et de son ajustement pour qu’il devienne acceptable aussi bien pour les FL que pour les autres parties qui l’ont également rejeté. Une tâche que le chef du CPL devrait achever d’ici à la fin de la semaine avant de le relancer sur le marché des tractations.