Hassan Nasrallah est une vraie bénédiction. Depuis qu’il a commencé à envahir la vie des Libanais en s’infiltrant grâce à ses interventions télévisées dans l’intimité de leurs foyers, il s’est mis bien malgré lui à leur rendre un service dont ils soupçonnent peu aujourd’hui l’effet salvateur.
Aussi étrange que cela puisse paraître et même s’il est perçu par une majorité de Libanais, chiites y compris, comme un horrible épouvantail, le «secrétaire général» n’en demeure pas moins un épouvantail d’utilité publique !
Comment est-ce possible ? Et où donc un effet salvateur peut-il se nicher dans ce flot ininterrompu d’invectives et de menaces dont les Libanais n’arrêtent pas de recevoir les salves en pleine figure ? Et comment aussi, ces Libanais peuvent-ils imaginer un seul instant que derrière les promesses d’une «guerre ouverte» supposée extirper le «sale microbe sioniste» se profile leur salut ?
C’est Hassan Nasrallah en personne ainsi que ses propres discours qui nous fournissent la réponse à ces questions. Tout est « bon » dans ces discours, il n’y a rien à jeter ! Que ce soit au niveau des textes (intelligents et bien écrits) ou bien de la rhétorique qui suit à la perfection le système d’Aristote où l’ethos constitue, avec le logos et le pathos, le triptyque autour duquel s’articule et se déploie le pouvoir de persuasion d’un orateur. La gestuelle (index menaçant et inquisiteur) ainsi que le ton aux crescendos bien dosés contribuent pleinement, eux aussi, à cimenter l’ensemble.
Une fois débarrassés de leur caractère circonstanciel et mis bout à bout, ces discours se réordonnent en un «corpus» cohérent, porteur de messages destinés à inculquer aux Libanais, et pas seulement aux chiites, un ensemble de «valeurs» qui transcendent les disparités confessionnelles afin de créer une société compacte fédérée par la «pensée unique». Et, c’est justement de cette pensée unique, uniforme et mortelle que naît l’effet salvateur.
Hassan Nasrallah apporte dans ses discours le poison et l’antidote à la fois. Il réussit mieux que quiconque et sans nécessairement le vouloir à générer les anticorps qui vont permettre à la société libanaise, aussi disparate et morcelée qu’elle puisse être, de rejeter la «greffe d’organe» qu’il essaie obstinément d’opérer sur elle.
Cet organe greffé n’est autre que le Hezbollah. Ses thuriféraires ont beau nier son inféodation quasi exclusive à l’Iran, ils ne peuvent plus empêcher les Libanais de le percevoir comme un «corps étranger». Et, c’est justement parce qu’il a commencé à agir exclusivement comme un corps étranger qu’il a fini par mettre en branle les mécanismes de défense immunitaires permettant à l’organisme «receveur» de le rejeter.
Hassan Nasrallah peut donc continuer à s’égosiller et à agiter ses menaces autant qu’il le voudra, le rejet de son parti, de sa doctrine, de ses victoires et de l’ensemble de son corpus a commencé.
Le receveur libanais est définitivement immunisé, mais comme il arrive dans les thérapies homéopathiques, il faut parfois attendre longtemps avant d’obtenir la guérison.