La sécurité militaire syrienne a arrêté, samedi 7 mai, à Qamichli, dans le gouvernorat de Hassakek au nord-est du pays, l’ingénieur en informatique Akram Huseïn. Elle le suspectait d’avoir été en contact avec la chaîne de télévision saoudienne Al Arabiya et d’avoir répondu en détail à ses questions sur une manifestation qui s’était déroulée la veille. L’intéressé a protesté en rappelant aux moukhabarat que l’état d’urgence avait été levé. Ils lui ont répondu que « le moallem » (le patron) voulait simplement le voir pour obtenir des éclaircissements. Ils l’ont emmené avec eux, emportant aussi son téléphone portable. Ni l’un ni l’autre n’ont encore été relâchés.
Cette intervention a eu lieu, comme toujours en Syrie, à la seule initiative des moukhabarat : quel que soit le service auxquels ils appartiennent, les agents des multiples appareils de renseignement ne s’embarrassent jamais de solliciter de la justice un ordre d’amener. Elle montre que, état d’urgence ou pas, ils sont laissés libres d’agir à leur guise et d’intervenir là où ils estiment que « la sécurité » du pays est menacée, quitte à faire mentir le président Bachar Al Assad et à violer ses engagements. Cela ne semble pas gêner particulièrement le chef de l’Etat, puisqu’on n’a jamais entendu dire, aujourd’hui comme hier, qu’il serait intervenu pour imposer à ces agents un respect minimum de la Loi.
Cette affaire a déjà eu des dizaines de précédents. Elle confirme que le régime veut imposer à tous les Syriens, par la crainte de la prison… et des mauvais traitements qui lui sont systématiquement associés, un silence total sur les événements qui se déroulent en ce moment en Syrie. Le pouvoir veut en effet se réserver le monopole de l’information sur la réalité des faits et du commentaire sur leur signification. Il ne veut pas être contredit lorsque, malgré les témoignages concordants de milliers de films, d’images et d’enregistrements disponibles, il attribue les protestations populaires à des « agents de l’étranger » et décrit ceux qui y participent comme de dangereux « terroristes islamiques ».
Aucun journaliste étranger n’étant actuellement autorisé à travailler en Syrie et les correspondants des rares médias non syriens habilités étant soumis à des pressions considérables pour aligner leurs propos sur le discours de l’information officielle, il faut considérer que ce qui provient des journaux et des télévisions syriennes, secteur public et secteur dit « privé » confondus, n’est que de la propagande. Il en va de même de la totalité des sites Internet qui, installés et hébergés sur des serveurs syriens, sont inspirés et contrôlés de près par les services de sécurité.
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