Les garanties liées au dépôt de sa candidature à un 5e mandat sont perçues comme une ultime manœuvre.
Dans ses pages, le quotidien dénonce en des termes forts l’acharnement du président et de son entourage :
« La candidature d’Abdelaziz Bouteflika peut mettre le feu au pays. (…) Le pire est à craindre. S’obstiner à garder au pouvoir un homme alors qu’il n’est plus en mesure de terminer son quatrième mandat et confiné au silence depuis sept ans, est perçu comme une déclaration de guerre. »
Des promesses « difficiles à croire »
La veille, jour du dépôt de candidature, El Watan livrait un compte rendu sceptique de la lettre lue au nom de M. Bouteflika par son directeur de campagne, Abdelghani Zaalane, dévoilant une liste d’engagements qu’il promettait d’honorer en cas de réélection. Le communiqué prête au président algérien, toujours hospitalisé en Suisse, une détermination sans faille à « assumer la responsabilité historique de (…) changer le régime ». Le quotidien accorde toutefois peu de crédit aux garanties prêtées à M. Bouteflika. « Difficile de croire les promesses de celui (ou ceux) qui ont monopolisé le pouvoir pendant vingt ans », conclut ainsi l’article.
L’édition de lundi du quotidien étatique francophone El Moudjahidchoisit de publier in extenso le message aux Algériens signé par Abdelaziz Bouteflika et détaille en « une » les « six engagements du président » :
- la tenue d’une conférence nationale indépendante après l’élection ;
- l’adoption d’une nouvelle Constitution ;
- des mesures en faveur d’une redistribution plus juste des richesses ;
- des mesures contre la pauvreté et la corruption ;
- une révision de la loi électorale ;
- et, surtout, l’organisation d’une élection anticipée censée assurer sa succession avant la fin d’un éventuel cinquième mandat.
Sans surprise, dans son éditorial, la rédaction du quotidien salue des « engagements fermes », une « grande sincérité de ton », et décrit la déclaration du président comme un « message d’espoir ».
Sur les « unes » de la presse papier et sur les sites d’information du pays, l’enthousiasme exprimé par l’organe officiel du pouvoir en place à Alger fait toutefois exception. Pour le journal de langue arabe El Khabar, l’un des deux plus gros tirages algériens, Abdelaziz « Bouteflika ignore les marches contre un cinquième mandat » et les engagements présidentiels qu’il prétend prendre ne sont que la conséquence de la pression de la rue. Le quotidien souligne par ailleurs que si l’on excepte la promesse de ne pas se représenter à un sixième mandat présidentiel, les « nouveaux engagements » de M. Bouteflika ne sont qu’un copier-coller de sa lettre aux Algériens de 2014. Il briguait alors un quatrième mandat.
« Envers et contre le peuple »
Dimanche, dans son éditorial, le quotidien s’interrogeait sur la place que réserverait l’histoire à M. Bouteflika :
« Il aurait été possible qu’Abdelaziz Bouteflika quitte le pouvoir comme un homme aimé, mais la corruption politique et financière du pays lui gâchera sa sortie. Il avait l’espoir de mourir président. De se voir offrir des funérailles encore plus solennelles que celles auxquelles avait eu droit l’ancien président Boumédienne [en fonction de 1965 à 1979 et qui est parfois l’objet de nostalgie]. Il quittera le pouvoir avec l’image de manifestations beaucoup plus massives que les défilés d’adieux qui ont accompagné Boumédienne à sa dernière demeure. »
« Envers et contre le peuple » titre pour sa part Liberté, publication démocrate et laïque. Le quotidien était revenu dans la soirée de dimanche sur les irrégularités liées au dépôt de candidature de M. Bouteflika et sur l’ambivalence du Conseil constitutionnel algérien à leur égard. Le journal a notamment révélé que le site de cette institution avait été bloqué dimanche avant d’être remis en ligne après qu’une modification de taille a été apportée à un communiqué publié par le Conseil constitutionnel le 21 février : le texte expliquait alors que les dépôts de candidature devaient être effectués « en personne ». Dimanche après-midi, cette mention a été purement et simplement supprimée.
« Confiance rompue »
Le site d’information indépendant Tout sur l’Algérie (TSA) est également revenu sur les anomalies de la candidature déposée par le président algérien. En plus de l’absence du président au Conseil constitutionnel, TSA relève qu’un certificat médical « de bonne santé » doit faire partie des pièces à fournir et qu’un médecin en a donc dressé un pour M. Bouteflika alors même que ce dernier est hospitalisé à l’étranger. TSA émet par ailleurs des doutes sur la sincérité des engagements pris par le pouvoir au nom du président Bouteflika, tout en notant un « changement d’attitude » et la prise en compte des manifestations de la part du pouvoir, ce qui constituerait selon TSA une rupture avec « vingt ans d’arrogance ». Pour le site, il est toutefois trop tard :
« Qu’en pensera justement la rue ? Hier soir, les Algériens ont répondu par d’importantes marches nocturnes à travers tout le pays. Un avant-goût de ce que seront les jours à venir. La confiance semble rompue et Bouteflika ne peut s’en prendre qu’à lui-même. Car en matière de réformes et de démocratisation, il a pris plein d’engagements solennels par le passé, hélas, sans jamais les tenir. »
En plus des articles consacrés au dépôt de candidature effectué au nom du président Bouteflika, l’édition du Huffpost pour le Maghreb francophone revient de son côté sur un événement déroutant survenu dimanche et concernant le candidat opposant et trouble-fête Rachid Nekkaz. Alors que ce dernier était attendu par de nombreux journalistes pour une conférence de presse, c’est un parfait inconnu, garagiste de profession, portant le même nom que le candidat, qui a été envoyé pour prendre la parole devant eux.
Ce « faux » Rachid Nekkaz est en fait apparu à l’initiative du « vrai » Rachid Nekkaz. Ne pouvant sans doute pas se présenter en l’état des textes car il n’a pas vécu suffisamment en Algérie et son épouse serait « étrangère », Rachid Nekkaz a donc présenté les signatures requises pour sa candidature au nom d’un homonyme : un de ses cousins… L’événement est qualifié de « surréaliste » par la presse indépendante.