Par Hélène Sallon
Certaines réticences de pays de la région, dont l’Irak, qui refusaient la distinction faite entre communautés dans les violences commises par l’EI, ont été levées. Tous étaient représentés à Paris, à l’exception de la Syrie et de l’Iran. « Evidemment, on s’intéresse à toutes les victimes de Daech [acronyme arabe de l’organisation Etat islamique], certaines ne sont pas ciblées pour leur religion. Mais, certaines communautés sont menacées en tant que telles. Il y a une volonté d’éradiquer des groupes humains et une urgence à agir », justifie une source diplomatique.
« Séparer la religion de l’Etat »
A la tribune, Monseigneur Louis Sako, patriarche des chaldéens de Babylone, a tenu à parler pour les trois millions de déplacés irakiens et non uniquement des 120 000 chrétiens d’Irak, au nom de la lutte contre le sectarisme. « La présence des Etats et des chefs religieux de toutes confessions est une occasion très spéciale pour collaborer à la réconciliation politique et à la paix, a-t-il commenté au Monde. L’action internationale est efficace pour en finir avec Daech mais, sur le long terme, il faut détruire cette idéologie horrible et promouvoir une réconciliation, une citoyenneté égale pour tous les Irakiens, et séparer la religion de l’Etat. »
Le plan d’action, finalisé sous la coprésidence de M. Fabius et de son homologue jordanien, Nasser Judeh, entend permettre le retour durable des personnes déplacées et réfugiées, mettre fin à l’impunité des crimes commis contre les populations pour leur appartenance ethnique ou religieuse, et promouvoir des politiques inclusives et respectueuses de la diversité culturelle. « Il y a une volonté de sortir de la logique de l’urgence et du réflexe de l’accueil, comme le souhaitent les communautés sur place », précise une source diplomatique, au lendemain de l’annonce par le président Hollande de l’accueil de 24 000 réfugiés en France. « C’est gentil et généreux d’accueillir cette masse de réfugiés mais c’est une solution provisoire », abonde Mgr Sako.
Concernant le volet humanitaire, l’accent sera mis sur le déminage, la reconstruction, l’accès à la santé et à l’éducation, la relance des activités économiques et la formation des forces de police locale. Pour le volet judiciaire, « la France est favorable à une saisine du Conseil de sécurité, mais les Etats de la région n’ont pas adhéré au statut de Rome et la Russie a par le passé opposé son veto sur le dossier syrien, donc on regarde ce que l’on peut faire pour des saisines d’actions judiciaires nationales », précise une source diplomatique.
Coopération judiciaire
Des programmes de coopération judiciaire, notamment sur l’identification des preuves avec la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH), et de sensibilisation des populations sur le terrain sont envisagés. Pour le volet politique, les actions visent à renforcer les capacités des autorités locales en matière de gouvernance, à soutenir la société civile et à offrir des bourses universitaires aux communautés persécutées.
La France s’est engagée à débloquer 25 millions d’euros, dont 10 millions sur deux ans pour alimenter un fonds d’urgence, notamment pour des actions de déminage, de logement, de réhabilitation et de coopération judiciaire. Quinze millions supplémentaires seront apportés par l’Agence française de développement pour les camps de réfugiés et le soutien aux communautés hôtes au Liban, en Jordanie, en Irak et en Turquie. Une conférence de suivi devrait être organisée début 2016 en Espagne.