L’ÉCLAIRAGE
Peut-on considérer que le pays est d’ores et déjà entré de plain-pied dans la phase de l’élection présidentielle, de sorte que tout ce qui s’y décide soit en rapport avec elle, ou bien doit-on croire que cette échéance continuera à être jugée lointaine d’ici à mars prochain, le temps que la situation en Syrie se décante ?
Pour un ministre du gouvernement sortant, il est clair que la présidentielle commande désormais toute la vie politique et en particulier le dossier de la formation du nouveau cabinet.
Sur ce dernier point, des visiteurs du palais de Baabda rapportent qu’au cours de leur dernière réunion, il y a quelques jours, le président de la République, Michel Sleiman, a demandé au Premier ministre désigné, Tammam Salam, de procéder à une évaluation du dossier à la lumière des positions de chacune des parties politiques et de leurs conditions au sujet de la formation du gouvernement.
Une fois cette évaluation faite, et le constat du blocage établi, le chef de l’État entend franchir le cap et inciter M. Salam à mettre sur pied un gouvernement qui serait à la fois « rassembleur » et « juste », mais d’autant moins soumis aux conditions posées qu’il est censé pratiquement dès le début ne rien faire d’autre qu’expédier les affaires courantes du fait de l’entrée du pays en période électorale. Officiellement, c’est à partir du 25 mars que le Parlement devient un corps électoral et cesse dès lors de se livrer à toute activité législative. Mais, dans les faits, ce volet de l’action parlementaire est paralysé depuis plusieurs mois en raison des différends d’interprétation entre les blocs parlementaires sur les prérogatives de la Chambre à l’ombre d’un gouvernement démissionnaire.
Quoi qu’il en soit, il semble une fois de plus, à en croire nombre d’observateurs, que le président Sleiman soit réellement déterminé à ce qu’un cabinet soit mis sur pied au début de 2014, préférablement avant le 22 janvier, date fixée pour la tenue de la conférence de Genève 2 sur la Syrie.
Ce besoin se fait d’autant plus ressentir que le cabinet sortant, démissionnaire depuis plus de huit mois, ne fait pratiquement plus rien, comme ont pu le constater les citoyens à l’occasion des graves perturbations causées ces jours derniers par les pluies diluviennes.
Parallèlement, le chef de l’État réaffirme devant ses visiteurs son refus de toute prorogation et de tout renouvellement de son mandat de président. Face à toutes les rumeurs qui lui attribuent à tout prix une volonté de proroger son mandat, il assure à cet égard qu’à la fin mai, il aura quitté le palais de Baabda et sera à son domicile à Amchit.
Partant de là, l’idée du président, et c’est là l’essentiel, est de laisser derrière lui un gouvernement rassembleur susceptible d’assumer les prérogatives de la présidence de la République en cas de vacance après le 25 mai, date de l’expiration du mandat.
Le chef de l’État se fonde en cela sur le fait que le gouvernement actuel ne saurait à ses yeux assumer ces prérogatives, non pas tant parce qu’il est démissionnaire, mais essentiellement parce qu’il est monochrome ou presque. Le but de M. Sleiman est donc de former un cabinet qui rassemble tout les protagonistes politiques, quelle que soit la formule qui sera retenue, à savoir la « 9/9/6 » (neuf ministres au 14 Mars, neuf au 8 Mars et six aux centristes), « 8/8/8 » ou toute autre.
Même si un tel gouvernement n’était pas investi de la confiance de la Chambre, ce qui le condamnerait à expédier les affaires courantes – c’est de toutes les façons ce qu’il aurait à faire – c’est lui et nulle autre institution qui serait en charge d’assurer l’intérim de la première magistrature, dans la mesure où le président de la République aura apposé sa signature aux décrets de formation du gouvernement.
La différence d’interprétation est ici on ne peut plus claire avec les milieux du président de la Chambre, Nabih Berry, qui estiment qu’un gouvernement n’ayant pas obtenu la confiance des députés ne peut pas assumer les prérogatives présidentielles en cas de vacance à ce niveau.
De nombreux constitutionnalistes affirment au contraire que c’est le gouvernement, et seulement celui-ci, qui est en mesure d’assumer ces prérogatives, surtout lorsqu’il s’agit d’un gouvernement de rassemblement.
De leur côté, les chancelleries occidentales pressent de plus en plus les responsables de former un gouvernement au plus tôt pour éviter de tomber dans le vide institutionnel.