Depuis la fin de leur hégémonie sur l’Etat et la société, les maronites se sont lancé dans une quête folle et désespérée d’un « sauveur » capable de les unifier avant de repartir sabre au clair à la reconquête des « privilèges » historiques qui étaient à l’origine de la création du Liban.
Caresser cet espoir ne leur paraissait nullement impossible puisqu’ils avaient réussi au moins une fois dans l’histoire récente à « engendrer » ce sauveur en la personne de Béchir Gemayel, même si l’enfantement de ce dernier ne s’est pas fait sans douleur. Pour accomplir l’unification salvatrice, celui-ci s’était trouvé « obligé » de déblayer le terrain en liquidant les adversaires qui encombraient sa marche triomphale. Mais cela relève aujourd’hui des « détails » de l’histoire.
La tentation était forte et la tendance vers l’unicité de la représentativité au sein des communautés adverses ne pouvait que conforter les maronites dans leur désir ardent de voir apparaître ce nouveau sauveur.
Or, ce qui était possible dans une situation d’exception ne pouvait pas nécessairement se répéter en d’autres circonstances, mais rares sont ceux qui acceptaient de se perdre dans ce type de conjecture. La « réussite » du processus d’unification par les chiites, les sunnites et les druzes apportait la preuve éclatante qu’une réédition de l’exploit par les maronites était non seulement possible, mais fortement souhaitable.
En suivant cette voie, ils ne se sont même pas posé la question de savoir s’il existait une adéquation entre ce mode d’organisation et la spécificité de la « société maronite » et ils ne se sont pas rendu compte que la grande richesse de cette société (et de toute société, d’ailleurs) résidait justement dans sa diversité politique et culturelle. Au lieu de pérenniser leur modèle, ils ont préféré calquer bêtement le modèle diamétralement opposé qui vénérait la « pensée unique » et érigeait un culte à l’omniscient et à l’omnipotent.
Tête baissée, ils ont donc décidé de suivre ce qui leur semblait être la « voie du salut ». Fins prêts à s’enrôler dans cette servitude volontaire, il ne leur restait plus qu’à attendre l’apparition de leur nouveau sauveur. Le premier qui leur tendait la main était forcément le bon.
Un seul parmi les héritiers de Béchir Gemayel avait trouvé la martingale. Michel Aoun, trépignant déjà d’impatience, était le héros qui a raflé la mise. Par grappes entières, les maronites ont succombé à son « charme ». Pour beaucoup d’entre eux, il a fallu de très longues années avant qu’ils ne brisent le talisman découvrent enfin que le héros qui les avait tant subjugués n’était qu’un piteux ersatz.
Il est facile de souligner aujourd’hui les ravages de « la guerre d’annihilation », de « la guerre de libération » et du rôle qu’elles ont joué dans l’installation pendant quinze ans de la chape syrienne sur le Liban. S’il est vrai que cette occupation ne pouvait se faire sans la caution des Etats-Unis, il est tout aussi patent que sans les délires visionnaires du Général, le « pays maronite » n’aurait jamais pu aussi facilement se laisser « pendre » par la Syrie.
Pendant plus vingt ans, les maronites ont persisté dans leur errance. Le Général exilé pouvait après avoir déserté le champ de bataille poursuivre à loisir depuis son exil doré son œuvre de libération pendant qu’ils vivaient eux sous la botte attendant impatiemment son retour.
Quinze ans après, le délire a repris de plus belle. Le charme opérait toujours, l’errance continuait et le pays allait de catastrophe en catastrophe. Et puis, avec les élections du Metn, un contre-miracle se produisit. Les maronites subitement réveillés de leur torpeur ont décidé de donner un premier coup de frein à l’équipée folle de leur sauveur.
Un coup de frein ne veut pas nécessairement dire un coup d’arrêt. Le délire peut facilement reprendre et l’errance avec. Cette pause leur aura probablement servi à reprendre leur souffle avant une nouvelle descente aux enfers.
http://heuristiques.blogspot.com/