Par Madjid Zerrouky
Al-Zaafaran, « cité numéro 2 »… les combattants fidèles au nouveau gouvernement d’unité nationale libyen progressaient, jeudi 9 juin, dans l’ouest de la ville de Syrte, bastion de l’organisation djihadiste Etat islamique (EI) enLibye, en direction du centre. Ils étaient entrés dans les quartiers périphériques la veille. La marine a également bloqué la façade maritime de la ville portuaire : « Nos forces contrôlent la totalité de la côte de Syrte. [Les djihadistes] ne pourront pas s’enfuir par la mer », a déclaré le commandant des forces de la marine pour la région du centre de la Libye, tandis que plusieurs raids aériens ont visé des positions de l’EI dans la journée.
Joint par Le Monde, Ibrahim Bitelmal, le président du conseil militaire de Misrata, dont les brigades donnent l’assaut à Syrte, estime que l’EI vit ses derniers moments dans la ville.
« Malgré les pertes et nos martyrs, le moral de nos combattants est au plus haut. Nous avançons sur tous les fronts, nous sommes en train de les étrangler. Nous espéronscontrôler la ville d’ici à quarante-huit heures. »
Si les forces de Misrata continuent de faire face à une forte résistance de la part des djihadistes, dont les snipers harcèlent les assaillants, « une bonne partie d’entre eux ont fui ; les autres abandonnent leurs armes et essayent de se cacher et se fondre dans la population. Certains rasent même la barbe », selon Ibrahim Bitelmal, qui prévient : « Nous avons leurs noms, nous les connaissons tous. »
A l’entrée occidentale de la ville, les miliciens de la Katiba 166 de Misrata ont mis à bas le panneau publicitaire sur lequel l’EI avait pris l’habitude d’exposer les corps des victimes – bras tendus et dans la posture du crucifié – que les djihadistes exécutaient le vendredi. Les « Misratis » ont une revanche à prendre. Ce sont eux, à commencer par la fameuse brigade 166, qui avaient dûbattre en retraite en mai 2015 devant l’EI, qui parachevait alors sa prise de Syrte.
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Forces spéciales occidentales
Depuis le printemps 2015, la branche libyenne de l’EI a conquis une bande littorale de 200 kilomètres autour de cette ville, ancien fief de Mouammar Kadhafi, tué en octobre 2011 par des miliciens de Misrata. Les djihadistes allant jusqu’à menacer, à l’est, le « croissant pétrolier » : les champs d’hydrocarbures et les terminaux côtiers d’As-Sidr et de Ras Lanouf, sur les rivages du golfe de Syrte.
L’EI, qui compterait 5 000 hommes, dont la moitié dans la région de Syrte il y a encore quelques semaines, a profité du chaos qui s’est installé à partir de l’été 2014 et de la guerre entre factions libyennes qui a opposé le camp de Tripoli à l’ouest – une alliance de forces islamistes et de groupes issus de la ville marchande de Misrata – et celui de Tobrouk à l’est – regroupant des libéraux, des nationalistes et des cadres de l’ancien régime. Chacun disposant d’un gouvernement, d’un parlement et de ses propres forces armées.
Arraché sous la pression de la communauté internationale, un nouveau gouvernement d’« union nationale » s’est mis en place pour se substituer aux deux pouvoirs rivaux, sous l’autorité de Faïez Sarraj, installé à Tripoli le 30 mars. Les brigades de Misrata, à l’ouest, et plusieurs groupes armés de l’est, dont la Garde des installations pétrolières (Petroleum Facilities Guard, PFG), un groupe paramilitaire, ont déclaré se placer sous cette nouvelle autorité et ont atteint la ville d’Harawah, à 75 km. Prenant en étau le territoire de l’EI avec le soutien actif de forces spéciales occidentales, dont françaises.
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