Le monde arabe a échoué à s’adapter à la modernité. Ce monde, qui a été édifié sur la récitation d’histoires puisées dans un passé glorieux, découvre avec stupéfaction en regardant autour de lui qu’il se situe désormais quelque part non loin du bas de l’échelle. Les rapports de l’ONU sur le développement humain au cours des dernières années révèlent clairement cette sombre situation. Le point de contact entre le passé imaginaire et le présent dégénéré est une source intarissable de troubles.
Cette agitation a connu son apogée au cours des deux dernières années. Les vicissitudes qui, pour une raison quelconque, ont été collectivement surnommées le « printemps arabe » ne sont pas plus arabes qu’elles n’ont à voir avec le printemps. On peut dire qu’elles sont en réalité une preuve vivante de la crise identitaire et une réverbération de la faillite du nationalisme arabe. Nous devons nous rappeler que le mécontentement qui a conduit les masses dans la rue est apparu dans des pays qui ont été dirigés par des gouvernements considérés comme nationalistes. Il a épargné les monarchies.
Nous ne pouvons, pour véritablement comprendre la conception arabe et islamique de la vie, faire l’économie d’une référence à la poésie. Dans un poème intitulé « L’horloge », Musa Maroofi, un poète afghan moderne, nous donne un aperçu de ce qui s’est passé dans la dernière décennie :
Dans notre cuisine à Vienne
Une horloge égrène les heures.
Ses aiguilles annoncent le temps
Qui avance.
Dans notre cuisine à Kaboul
Une horloge égrène les heures.
Ses aiguilles annoncent le temps
Qui recule.
La première adore le futur,
La seconde vénère l’histoire.
Toutes deux vont vite,
Elles tirent le temps dans des sens opposés.
Mais le temps s’enfuit
À la recherche du présent.
Hélas, le temps de trouver le présent
Le présent appartiendra au passé.
L’idée selon laquelle l’époque du prophète Mahomet (570-632 apr. J.-C.) et celle des quatre Califes vertueux qui ont dirigé les musulmans après sa mort (632-661 apr. J.-C.) constituent la plus glorieuse période de l’islam est inextricablement liée à une attitude vis-à-vis de l’histoire et de la civilisation profondément ancrée dans la pensée musulmane. Cette attitude envers la vie ne laisse aucune chance à un Arabe ou un musulman de se tourner vers l’avenir. Au contraire, depuis des siècles, la mentalité arabe et musulmane ne cesse de reculer, ne voyant la splendeur que dans le passé. Il n’y a pas de place pour demain, à moins qu’il ne serve la cause de l’idéologie islamique. Il n’y a pas de place pour le futur, à moins que ce ne soit le futur du jour du Jugement, ce jour où le fidèle musulman gagnera sa place au paradis et la vie éternelle parmi les vierges houris. Ce jour-là, Allah « offrira à tous les musulmans un juif ou un chrétien et dira : C’est votre sauvetage du feu de l’enfer », comme l’aurait dit le Prophète Mahomet (Sahih Muslim, n° 6665).
Pendant des siècles, le monde arabe a souffert d’une maladie chronique. L’une des principales causes de cette maladie est l’association de l’islam et du tribalisme masculin. Les codes tribaux masculins arabes, qui sont profondément enracinés dans les sociétés arabes et influencent encore les Arabes de nos jours, prévalent autant dans les régimes monarchiques et dynastiques que dans les prétendus régimes républicains. C’est pourquoi vous voyez des présidents transmettre ou tenter de transmettre leurs régimes à leurs seuls fils, pas à leurs filles, à l’exemple de la Syrie, ou comme cela était prévu en Égypte avant que le peuple égyptien ne descendît dans la rue et renversât le régime de Moubarak, portant alors les islamistes au pouvoir. Il convient de noter que les seuls pays musulmans dans lesquels des femmes ont été élues et ont exercé la fonction de chef d’État sont des pays non arabes, comme la Turquie, le Pakistan, l’Indonésie et le Bangladesh.
L’islam et le tribalisme arabe masculin constituent un mélange toxique, en particulier lorsqu’un principe fondamental fait défaut, à savoir le principe de l’auto-jugement. En l’absence d’un tel principe, il est impossible pour l’individu, le dirigeant ou la société dans son ensemble de reconnaître et de corriger ses erreurs et ses mauvaises actions.
L’association du tribalisme arabe, de l’islam et de l’absence d’auto-jugement rend tous les régimes arabes oppressifs. Cela s’est vérifié tout au long de l’histoire arabe depuis la naissance de l’islam, qui est en réalité une idéologie de l’impérialisme arabe. C’est pourquoi l’islam a eu besoin d’ennemis depuis son avènement. Pour résoudre les différends tribaux internes aux tribus arabes, l’islam a envoyé des guerriers combattre d’autres nations en dehors des déserts arabes en leur promettant de la nourriture, des biens, le jardin d’Éden, etc. Cette idéologie a sous-tendu l’édification de l’empire islamique arabe. Le conflit qui a déchiré cet empire depuis l’apparition de l’islam consistait en une dispute tribale liée à la question de la prétendue légitimité de la filiation religieuse – l’étroit lien de parenté avec la branche tribale du Prophète.
Avec l’essor des pouvoirs militaires et politiques non arabes au sein du califat abbasside au ixe siècle, puis la chute de Bagdad aux mains de Houlagou en 1258, le monde arabe est entré dans un état de stagnation qui a duré jusqu’à aujourd’hui. Presque mille ans de stagnation. Cette période inclut près de quatre siècles de l’Empire ottoman.
La montée du nationalisme arabe au début du vingtième siècle a connu deux phases : dans un premier temps s’est développé le nationalisme traditionnel bédouin, puis, plus tard, est apparu le nationalisme urbain. Le nationalisme traditionnel a été encouragé par la Grande-Bretagne, puissance coloniale qui cherchait à s’emparer de territoires importants jusque-là contrôlés par les Ottomans sur le déclin. Lord Horatio Kitchener, qui exerçait la fonction de secrétaire d’État britannique à la guerre durant la Première Guerre mondiale, a poursuivi activement cet objectif, en œuvrant à rétablir les califats arabes.
Au mois d’août 1915, Sir Henry McMahon, le haut-commissaire britannique en Égypte, envoya une lettre à Hussein ibn Ali, chérif de La Mecque, dans laquelle il préconisait de rétablir le califat arabe sous la direction de purs Arabes : « Nous nous réjouissons, en outre, que Votre Altesse et votre peuple soient du même avis – que les intérêts arabes soient les intérêts anglais, et vice versa. À cette fin, nous vous confirmons les termes du message de Lord Kitchener, qui vous a été transmis par Ali Effendi et qui affirmait clairement notre désir de soutenir l’indépendance de l’Arabie et de ses habitants, ainsi que notre approbation du califat arabe lorsqu’il sera proclamé. Nous déclarons encore une fois que le gouvernement de sa Majesté se félicitera du rétablissement du califat par un Arabe de souche [1].
»
Après la Première Guerre mondiale et le déclin de l’Empire ottoman, l’accord Sykes-Picot a divisé le monde arabe entre les puissances coloniales européennes, principalement la France et la Grande-Bretagne. Quelques décennies plus tard, dans le sillage de la Seconde Guerre mondiale et du retrait des pouvoirs coloniaux, Israël était créé en Palestine sous mandat britannique, reconnu et soutenu à la fois par l’Union soviétique et par les puissances occidentales.
La seconde phase du nationalisme arabe a débuté dans le contexte du retrait des puissances coloniales de la région et de la guerre froide. Le monde arabe, qui était divisé en entités « autonomes », restait dirigé comme une marionnette contrôlée à distance. Puis un nouveau protagoniste – l’Union soviétique – est entré dans la mêlée, et le nouveau nationalisme est tombé dans le filet du bloc soviétique. Ce nationalisme a été créé de manière artificielle. Les officiers subalternes ont brutalement violenté leur peuple et détruit leurs pays, agression qui a donné naissance à une nouvelle forme de régime : un bâtard politique dans le monde arabe, ni monarchie ni république.
Au cours de la guerre froide, le Moyen-Orient, cette région du monde riche en pétrole, est devenu la scène principale de la lutte entre l’Ouest et le bloc communiste. La guerre froide coupa le monde arabe en deux orientations : les régimes pro-occidentaux d’un côté et de l’autre les soi-disant régimes nationaux « socialistes », influencés par l’Union soviétique et pour la plupart dirigés par des officiers qui avaient pris le pouvoir dans certaines parties du monde arabe comme l’Égypte, la Syrie et l’Irak. Les monarchies arabes aussi bien que les régimes républicains se sont avérés oppressifs et n’ont jamais apporté une quelconque forme de bien-être aux nations arabes.
La politique des États-Unis a toujours été hypocrite et n’a jamais réellement reflété ses slogans sur la liberté, la démocratie, les droits de l’homme, etc. Elle a au contraire soutenu les dictateurs et les chefs tribaux corrompus dans le monde arabe. Les pensées des États-Unis se sont concentrées sur le pétrole. Tout cela se déroulait dans le contexte de la révolution islamique chiite contre le régime oppressif du shah en Iran, alors soutenu par l’Occident. La stagnation des diverses parties du monde arabe et islamique s’est poursuivie.
La progression de l’idéologie et du pouvoir des moudjahidin islamiques en Afghanistan, qui luttaient contre l’hégémonie de l’Union soviétique et l’influence communiste, était une guerre par procuration lancée, soutenue et financée par les États-Unis et leurs alliés, essentiellement l’Arabie saoudite. La défaite de l’Union soviétique en Afghanistan a conduit à son déclin et à celui du communisme en Europe et dans la plus grande partie du reste du monde. Dans ce contexte, nous prenons note du soutien russe accordé au régime syrien aussi bien qu’au régime iranien contre la pression exercée par les puissances occidentales. La Russie essaie de retrouver son statut de puissance orientale après l’effondrement du communisme.
Après la fin de la guerre froide et la chute du mur de Berlin est apparu en Occident un discours naïf basé sur la thèse de Francis Fukuyama proclamant la fin de l’histoire et le triomphe du libéralisme occidental : « Peut-être n’assistons-nous pas simplement aujourd’hui à la fin de la guerre froide, ou à la disparition d’une période spécifique de l’histoire d’après-guerre, mais bien plutôt à la fin de l’histoire en tant que telle : c’est-à-dire au point final de l’évolution idéologique de l’humanité et à l’universalisation de la démocratie libérale occidentale comme forme ultime de gouvernement humain [2]]. » Cette conception naïve a rencontré une opposition immédiate.
Comme je l’ai déjà fait remarquer, les empires ont besoin d’ennemis. Après la disparition de l’ennemi soviétique, on a entrepris, à l’Ouest, de chercher un nouvel ennemi. Ce nouvel ennemi est l’islam et l’idéologie impérialiste islamique. Et c’est là la signification véritable du « choc des civilisations [3] de Huntington, en réponse à la « fin de l’histoire » de Fukuyama.
Parallèlement à la prise de pouvoir de l’islam chiite en Iran, l’islam sunnite dont s’est servi l’Occident pour mobiliser les moudjahidin contre l’Union soviétique est à présent un golem se retournant contre son créateur à l’Ouest. Cela a conduit à la terreur islamique qui s’est traduite par les attaques du 11 septembre.
Il convient de prendre en considération le fait que, depuis ses débuts et en raison de sa nature profondément théologique, l’islam, qui a été fondé dans la péninsule arabe dans un cadre judéo-chrétien, s’est focalisé sur la théologie judéo-chrétienne. C’est pourquoi il n’est guère possible de trouver d’écrit islamique concernant des croyances autres que les cultures judéo-chrétiennes.
D’une part nous savons que le parti islamique a progressé en Turquie après que le peuple turc a désespéré d’intégrer l’Union européenne ; d’autre part ce que nous voyons aujourd’hui face au monde arabe malade est la montée de deux puissances nationales non arabes : le nationalisme persan ancré dans la doctrine islamique chiite en Iran, et le nationalisme turc ancré dans la doctrine islamique sunnite en Turquie. Ces deux puissances non arabes se disputent l’hégémonie du monde arabe, et toutes deux luttent contre la domination des puissances occidentales dans la région.
Au cours de la dernière décennie, le monde occidental a appris une ou deux choses concernant les modes de vie dans le monde arabe. Ce monde, avec ces différents types de régimes, a lamentablement échoué à créer un État-nation digne de ce nom. Cet échec apparaît sur tous les écrans. Les révoltes qui ont débuté au mois de décembre 2010 ne signifient pas que nous sommes au seuil d’un nouveau Moyen-Orient, mais témoignent plutôt de sa faiblesse. En d’autres termes, les pays arabes qui ont été fondés après le retrait des puissances impériales n’ont pas trouvé le moyen, ou n’ont pas mis en œuvre une stratégie civile leur permettant de rapprocher les nombreuses et différentes loyautés, souvent adverses, des groupes religieux et ethniques cohabitant dans le même État. Cette perspective civile, qui est absolument nécessaire à cette fin, n’a malheureusement pas été évoquée dans le prétendu « printemps arabe ».
Il devient de plus en plus manifeste que le Moyen-Orient compte seulement trois États nations forts : l’Iran, la Turquie et Israël. Le dénominateur commun que tous trois partagent est de ne pas être arabe.
L’Occident a appris dans sa propre chair que cette région se conduisait selon d’autres codes. L’Iran a continué d’asseoir son autorité grâce à son idéologie religieuse. Le renversement de Saddam Hussein a brisé l’illusion de l’existence d’une « identité iraquienne » commune et a donné une nouvelle impulsion à l’Iran, qui poursuit sur sa lancée.
Ainsi, les Occidentaux ont réalisé qu’il était nécessaire de repenser la région et d’agir en conséquence. D’un côté, aux yeux des puissances occidentales la conclusion était simple : le soi-disant monde arabe national – qui est essentiellement sunnite – n’est pas parvenu à s’adapter à la modernité, et ni les Arabes ni le monde occidental ne connaîtront de salut. De l’autre, la progression de l’islam chiite sous la houlette de l’Iran rendait nécessaire d’encourager l’islam sunnite à s’engouffrer dans la brèche contre l’Iran.
La voie était ainsi ouverte pour la progression de l’islam sunnite turc, qui a été rendue possible par l’affaiblissement de la puissance de l’armée turque, gardienne de la constitution laïque d’Atatürk. Cela a été accompli avec le soutien des pouvoirs occidentaux et grâce à l’abandon de l’Europe qui a fait obstacle à l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne.
La Turquie est un allié de l’Occident et un membre de l’OTAN. En même temps, elle est dirigée par un parti et des chefs sunnites islamiques qui aspirent à restaurer la gloire ottomane passée. Les puissances occidentales l’ont choisie pour diriger les pays arabes sunnites dans la formation d’un bloc islamique modéré et démocratique contre le chiisme messianique radical porté par l’Iran. Cela explique que le président des États-Unis, Barak Obama, ait décidé de s’adresser au monde arabe par l’intermédiaire de la Turquie sunnite dans son premier discours en avril 2009.
« La démocratie en Turquie est votre œuvre. Elle ne vous a pas été imposée par un quelconque pouvoir extérieur, et n’a pas été mise en place sans lutte ni sacrifice. Comme toute démocratie, la Turquie puise sa force à la fois dans les succès passés et dans les efforts réalisés par chaque génération de Turcs qui contribue ainsi au progrès de votre peuple. » Obama fait allusion au rôle que la nation turque va jouer dans cette région : « Les perspectives de paix dans la région seront plus grandes si l’Iran renonce à ses ambitions nucléaires. Comme je l’ai clairement dit hier à Prague, la prolifération des armes nucléaires ne profite à personne. Cette partie du monde a connu suffisamment de violence. Elle a connu suffisamment de haine. Elle n’a pas besoin d’une course aux instruments de destruction toujours plus puissants [4]. » Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan et son parti se réjouissaient du rôle qu’il leur incombait ainsi de jouer, les islamistes turcs rêvant de rétablir la gloire ottomane.
Le slogan invoquant la solidarité avec les Palestiniens a toujours servi d’opium pour les masses arabes opprimées. La flottille turque qui est partie pour Gaza en mai 2010 et celles qui doivent suivre sont autant de moyens d’accroître l’importance de la Turquie aux yeux des masses arabes sunnites. Et tout cela pour mettre la Turquie en position de contrepoids à l’influence iranienne.
À la fin du mois de mars 2011, et après les troubles qui ont agité le monde arabe, s’est tenue à Ankara une réunion secrète entre le chef de l’Agence centrale du renseignement (la CIA) et son homologue turc : « Le chef de l’Agence centrale du renseignement américaine, Leon Panetta, a passé cinq jours dans la capitale turque à la fin du mois de mars pour discuter des tensions régionales… Les discussions ont également porté sur les combats en Lybie, les rapports israélo-turcs, le partage des renseignements en Irak, la coopération en Afghanistan et la lutte contre le Parti des travailleurs du Kurdistan [5]. » Le Premier ministre turc Recep Erdogan s’est en outre rendu en Irak pour discuter du statut des Sunnites sur place.
Le soutien turc au soulèvement syrien fait partie de ce rôle de dirigeant des musulmans sunnites que les puissances occidentales ont conféré à la Turquie.
L’islam, à l’instar des autres idéologies impérialistes, a constamment besoin d’ennemis pour prospérer. Ces derniers ont permis à l’islam par le passé de se propulser. Sans ennemi, l’islam stagne et décline. Comme ennemi désigné, en plus de ce qui a été dit précédemment, il y a la poursuite de l’occupation sioniste juive israélienne en Palestine avec le soutien des puissances chrétiennes occidentales.
Ce conflit rappelle aux musulmans leur lutte contre les juifs et les chrétiens en Arabie dans les premières années de l’islam. Et il existe en fait beaucoup d’écrits islamiques modernes qui essaient de jeter une lumière religieuse sur le conflit israélo-arabe et s’efforcent de découvrir et mettre en évidence les similarités entre notre époque et les débuts de l’islam : « Les origines de notre lutte contre l’ennemi sioniste remontent, dans sa nature même, à la relation historique entre l’islam et le prophète Mahomet d’un côté et les juifs et les chrétiens de l’autre [6] . » Il s’agit d’une lutte théologique concernant la prophétie finale : « La lutte qui nous oppose aux juifs a commencé très tôt, puisque notre prophète a reçu le drapeau unitaire et a été choisi par Dieu pour être le dernier Prophète, en sorte que lui et sa nation conduisent l’humanité entière derrière ce drapeau qui a été transféré des mains des fils des prophètes d’Israël aux mains du prophète arabe Voir [7] . »
En raison de cette nouvelle-ancienne confrontation théologico-politique, cette région pétrolifère du monde va rester une zone de tensions.
Selon une expression arabe, celui qui se noie s’accroche aux cordes du vent. Ce sont les successeurs contemporains de Kitchener et McMahon qui tendent au monde arabe les cordes du vent, mais cette fois en aidant l’islam arabe sunnite, avec le soutien notable des Turcs ottomans, et dans l’espoir que les nouveaux régimes fassent échec à l’islam chiite de plus en plus puissant qui se trouve à la tête de l’Iran. Et aujourd’hui il y a la montée d’ISIS comme nouvel acteur sur la scène du Moyen Orient. Ne vous étonnez pas de ce que ces troupes sunnites se servent de la frontière turque pour entrer en Iraq et en Syrie dans le but d’effacer les lignes dessinées par deux gentlemen européens, Sykes et Picot. L’apparition de « Da’ish », combattant pour établir un nouveau califat, renforce la pertinence de ce que j’ai dit.
Les puissances étrangères sont capables d’allumer des incendies dans certaines parties de cette région, poussant le Moyen-Orient à devenir le plus grand consommateur d’équipement militaire occidental, essentiellement américain, ainsi qu’un marché pour tous les autres produits. Il est important de garder à l’esprit que cette partie du monde ne produit ni n’exporte aucun produit de valeur à l’exception de ce qu’elle extrait du sol.
C’est là l’histoire du Moyen-Orient en marche.
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Notes
[1] Voir Exchange of correspondence between Sharif Husayn of Mecca and Sir Henry McMahon
[2] Voir Francis Fukuyama, “The End of Histoty”,
[3] Voir Samuel P. Huntington, “The Clash of Civilizations ?”, Foreign Affairs, Summer 1993
[4] Voir US president’s speech at Turkish Parliament, Hurriyet Daily News
[5] Voir CIA’s Panetta Held Secret Talks on Syria in Ankara
[6] Voir A. Abd al-Majid, The Islamic Zio-Crusade Struggle, p. 72.
[7] Abd al-Qadir Khalil al-Shatli, “Notre lutte contre les juifs”