Les commentaires enflammés du chef du comité chérié du Hezbollah, cheikh Mohammad Yazbeck, sur ce qu’il a appelé la résurgence du « maronitisme politique », en référence à l’alliance entre le CPL et les FL, traduisent une inquiétude profonde au sein du parti chiite. C’est l’avis véhiculé par des milieux politiques au sein des Forces libanaises, qui estiment que les craintes du parti chiite s’expliquent par la possibilité d’une résurgence d’« une nouvelle réalité maronite » que viendrait consacrer la constitution d’un tandem chrétien à l’instar du tandem chiite Amal-Hezbollah.
Dans certains milieux chrétiens, on s’étonne de la réaction pour le moins surprenante du dignitaire chiite qui reste, à leurs yeux, une tentative de couper court au rapprochement de ce nouveau duo chrétien – FL/CPL – préférant le maintien des tiraillements qui prévalaient entre les deux formations.
Les inquiétudes du parti chiite ont été notamment alimentées par le fait que le rapprochement entre les deux grandes formations chrétiennes a imposé une nouvelle réalité sur le terrain. Elle est venue renforcer le sentiment identitaire au sein de leur communauté qui a soutenu en masse cette alliance placée sous la bannière de la consolidation du pacte national et de la restitution aux chrétiens de leurs droits, notamment au sein de l’administration de l’État dans laquelle ils se sentent marginalisés depuis des années ainsi que dans la vie politique en général, estime-t-on encore dans ces milieux.
En stigmatisant de la sorte le « maronitisme politique », cheikh Yazbeck a-t-il voulu couper court au rapprochement du tandem chrétien pour maintenir en place le tandem chiite sachant que ce dernier doit conserver la maîtrise exclusive du paysage politique par le biais de la mainmise de Nabih Berry sur le Parlement et du Hezbollah du terrain, par le biais des armes, se demandent des sources chrétiennes.
De l’avis d’un député chrétien indépendant, la tentative de faire assumer au « maronitisme politique » la responsabilité du recul dans le pays n’est pas réussie d’autant que cette nouvelle dynamique chrétienne, si elle devait se vérifier, reste orientée vers la renaissance de l’État et n’est en aucun cas liée à l’extérieur. Alors que le projet du chiisme politique est clairement d’inspiration iranienne avec un accoutrement libanais placé sous le label de la résistance.
Force est de constater que la dénonciation du retour au « maronitisme politique » par le responsable du Hezbollah s’est accompagnée de l’affirmation du triptyque peuple-armée-résistance. Une équation qui, de l’avis des milieux du 14 Mars, n’a plus sa raison d’être depuis que le Hezbollah s’est départi des décisions locales pour aller mener ses combats dans des contrées aussi lointaines que le Yémen, l’Arabie saoudite, le Bahreïn, l’Irak et, bien entendu, la Syrie voisine, conformément à un agenda dicté par l’Iran.
Ainsi, la résurgence concomitante de ce célèbre triptyque viserait à assurer la couverture nécessaire au retour des combattants du Hezbollah de l’étranger et plus précisément de Syrie, à la veille des négociations de Genève pour le règlement de la crise syrienne.
Afin de lui donner encore plus de prestance, le retour du leitmotiv peuple-armée-résistance a été accompagné de propos se voulant inquiétants sur la situation au Liban-Sud et sur la possibilité pour Israël de chercher à exploiter le fait que le Hezbollah est « occupé » sur les divers fronts à l’étranger, en lançant des attaques contre ses positions au Liban. Ce contre quoi le parti chiite s’est dépêché de mettre en garde, menaçant d’une riposte robuste qui viserait des centres stratégiques et nucléaires de l’État hébreu.
Pour les forces du 14 Mars, le fait de braquer la lumière de nouveau sur Israël sert à recouvrer la couverture populaire nécessaire pour ré-instituer la légitimité perdue de la résistance par son enlisement dans les pays arabes et autres. D’où le retour en force de l’équation du triptyque dans une tentative ultime de ramener la résistance à son statut antérieur, après l’échec de son projet en Syrie, comme le souligne une source du 14 Mars. C’est ce qui fera dire à un député chrétien que ce triptyque est devenu obsolète, après tout ce qui s’est passé.
Les milieux politiques du 8 Mars, quant à eux, persistent et signent en dénonçant l’existence d’un plan externe visant la résistance. Il est, selon eux, fomenté tout d’abord par le Congrès américain qui vient d’imposer des mesures extrêmement strictes au secteur bancaire libanais pour obstruer tout financement du Hezbollah. Par les pays arabes ensuite, qui considèrent désormais le parti chiite comme une organisation terroriste et œuvrent, depuis plusieurs semaines, à expulser de leurs territoires des Libanais accusés de collaboration avec le parti chiite.
Ces milieux considèrent d’ailleurs que le rapport du secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, sur la situation au Liban et sur la résolution 1701, verse dans le même sens, le responsable onusien ayant à nouveau mis en garde contre les répercussions négatives des armes du Hezbollah, dans le sens qu’elles constituent une menace réelle à la souveraineté et à la stabilité du Liban. C’est d’ailleurs ce qui a poussé le ministre des Affaires étrangères, Gebran Bassil, à « boycotter » la visite du secrétaire général, pour des raisons présumées protocolaires ou encore liées à une implantation hypothétique des déplacés syriens.