Le richissime émirat du Golfe a participé à l’intervention militaire coordonnée par l’Otan.
Depuis le début de la crise libyenne, le Qatar a mis tout son poids financier et diplomatique pour «neutraliser» Mouammar Kadhafi. Derrière le premier ministre, Hamed Ben Jassem – surnommé HBJ dans les chancelleries -, la très active diplomatie qatarienne s’est d’abord faite le promoteur, auprès des pays de la Ligue arabe, de la résolution 1973 des Nations unies, votée le 17 mars, qui autorisait une intervention étrangère en Libye. Dix jours plus tard, Doha reconnaissait le Conseil national de transition, l’organe politique de la rébellion. Le Qatar apportait ainsi la caution arabe, qui manquait en 2003 à l’intervention américaine en Irak. Mais Doha ne s’est pas arrêté là.
Un soutien aux islamistes
Le minuscule mais richissime émirat du Golfe a été le seul État arabe, avec les Émirats arabes unis, à participer à l’intervention militaire au sein de la coalition internationale coordonnée par l’Otan. Doha – dont l’armée est équipée à 75 % par la France – a mis à la disposition de l’organisation cinq de ses douze Mirage 2000 et a financé à hauteur de plusieurs dizaines de millions de dollars l’instruction de rebelles, souvent peu expérimentés. En sous-main, le Qatar a également livré plus de 20.000 tonnes d’armes aux insurgés, notamment des missiles antichars. Un soutien qui a reçu l’aval des États-Unis et des principaux pays occidentaux – dont la France.
En Libye, le Qatar a choisi un camp contre un autre. Jusque-là, la diplomatie de Doha se voulait d’abord conciliatrice. Au Liban, en Palestine ou au Darfour, le Qatar avait toujours cherché à réunir autour d’une même table les protagonistes d’un conflit. Quitte à pratiquer le grand écart. L’émir Cheikh Hamad al-Thani est l’ami personnel du chef du Hamas en exil Khaled Meshaal, tout en étant le seul pays arabe à abriter – jusqu’au milieu des années 2000 du moins – un bureau d’intérêt commercial israélien, sans avoir fait la paix avec l’État hébreu. Doha abrite également la plus importante base américaine au Moyen-Orient, tout en maintenant des relations cordiales avec l’Iran. Mais avec la crise libyenne, Doha a renoncé à sa neutralité pour s’engager pleinement derrière les nouvelles autorités. Et pour cela, le Qatar a utilisé sa télévision, al-Jezira, l’instrument de sa diplomatie proactive, qui a porté, voire même amplifié, la révolte anti-Kadhafi. C’est également au Qatar que s’est installée la chaîne Libya al-Ahrar, fondée par les rebelles et financée en partie par l’émirat. C’est encore à Doha que s’est réfugié l’ancien patron des services de renseignements de Kadhafi, le général Moussa Koussa.
Mais à la longue, l’appui qatarien a paru pencher un peu trop en faveur des islamistes. Une grande partie des armes envoyées par Doha serait finalement allée, non pas aux combattants du CNT, mais aux miliciens intégristes, parmi lesquels Abdel Hakim Belhaj, cet ancien djihadiste devenu chef de la région militaire de Tripoli, qui est victorieusement entré dans l’ancien QG de Kadhafi, fin août, avec une caméra d’al-Jezira à ses côtés…