Un roi pour affronter les mollahs. Même à Paris, où il a passé quelques jours en février, ils sont nombreux à lui donner du « Votre Majesté » quand ils s’adressent à Reza Pahlavi. A 62 ans, le fils du dernier chah d’Iran « sort du bois » après six mois de révolte dans son pays, avec l’espoir de devenir le visage de l’opposition en exil.
L’héritier de la dynastie Pahlavi n’a pas mis les pieds en Iran depuis 1978. A l’époque, le fils du chah passe son brevet de pilote de l’air aux Etats-Unis, où il vit encore aujourd’hui. « Pas un jour ne passe sans que je sois en contact avec un prisonnier politique ou avec la société civile en Iran », explique l’élégant sexagénaire, cheveux blancs ramassés en arrière. Depuis le 1er janvier, ses partisans ont lancé une vaste campagne en ligne, avec le message : « Le prince Reza Pahlavi est mon représentant. » Pour cela, le descendant de la monarchie s’est fondu dans un collectif de personnalités, allant de la Prix Nobel Shirin Ebadi à la militante féministe Masih Alinejad. Une pétition en ligne a déjà récolté plus de 450 000 signatures pour le nommer porte-parole du mouvement.
Ces dernières semaines, des tags à son nom sont apparus sur les murs de la capitale iranienne. « Je pense que j’ai un rôle important, peut-être parce que mon capital politique est plus important que d’autres, et je choisis de l’utiliser », raconte Reza Pahlavi dans un français parfait, sans annoncer ouvertement ses ambitions. « Son simple nom lui permet d’avoir une certaine notoriété à l’intérieur de l’Iran, explique Clément Therme, chercheur associé à l’Institut international d’études iraniennes. Il bénéficie d’une forme de nostalgie par rapport au déclassement du pays. Avant la Révolution de 1979, l’Iran avait le niveau de développement économique de la Corée du Sud, quand le pays est comparé à la Syrie aujourd’hui… » Très discret pendant son exil de quarante-quatre ans, le fils du chah mène une intense campagne médiatique depuis près de deux mois. Il a été invité à s’exprimer à la conférence de Munich mi-février, alors même qu’aucun représentant de l’Etat iranien n’avait été convié. Une humiliation pour Téhéran.
Malgré une mobilisation en forte baisse, le « prince » en exil garde foi dans ce qu’il nomme « la Révolution des femmes ». Pour cela, avance-t-il, les manifestants ont besoin d’un accès à un Internet plus développé, notamment grâce au système Starlink d’Elon Musk (avec lequel Pahlavi assure discuter « indirectement »), mais aussi d’un fonds pour les grévistes. « Les grèves sont le meilleur moyen de paralyser le régime, assure Reza Pahlavi. Nous pouvons voir sa fin dans les tout prochains mois. Nous voulons une implosion contrôlée, puis une transition. » Si cette « implosion » devait avoir lieu, l’héritier du chah laisse planer un doute sur sa volonté de rétablir une monarchie et agite le concept vague, mais « novateur » selon lui, de « monarchie élective ». « Nous voulons établir un système méritocratique et démocratique. La question doit être étudiée », élude-t-il, en insistant sur le rôle déterminant qu’aurait une assemblée constituante à la chute du régime islamique.
Le descendant de la dynastie Pahlavi est loin de faire l’unanimité dans l’opposition iranienne. En cause : une certaine ambiguïté sur les crimes commis par le régime de son père. Quand L’Express l’interroge sur le passé, Reza Pahlavi préfère parler d’avenir. « J’ai vécu quarante ans dans des pays libres, avec des institutions qui permettent d’empêcher les abus de pouvoir, tempère l’héritier. A l’époque de mon père, la libéralisation était restreinte, mais l’époque a changé : même certains parmi ceux qui l’ont renversé en 1979 ont reconnu qu’il aurait fallu une réforme du système plutôt qu’une révolution. »
Le chemin promet d’être encore long avant qu’il puisse remettre les pieds à Téhéran, tant les mollahs semblent garder la mainmise sur l’Iran. « Pour envisager l’avenir, il faudrait d’abord une faillite du régime en place, ce qui relève pour l’instant de la science-fiction, estime Clément Therme. Le rôle futur de Reza Pahlavi est envisagé par ses partisans comme une transition, il ne s’agit pas d’organiser un retour à l’ancien régime, mais de présenter un conseil de transition pour sortir de l’obscurantisme actuel. » Après tout, l’histoire de l’Iran regorge de scénarios politiques improbables. Quelques mois avant la Révolution de 1979, peu auraient misé sur une prise de pouvoir de l’ayatollah Khomeini, exilé à l’étranger pendant quatorze ans avant de s’installer en France en 1978. A l’époque, le futur Guide suprême avait choisi de vivre en banlieue parisienne car, selon lui, la capitale française était le lieu idéal pour médiatiser sa cause politique… De quoi inspirer certains.