Pourquoi Michel Aoun a choisi de s’allier aux chiites et pourquoi Samir Geagea a plutôt préféré les sunnites contribuant ainsi tous les deux à écarteler leur communauté entre deux allégeances antagonistes et à accentuer davantage la « marginalisation » dont elle n’a cessé de se plaindre ?
D’un point de vue historique, il est indéniable que la situation est totalement inédite ! il y a bien eu des alliances fortes par le passé, mais jamais la communauté n’a connu une dichotomie pareille. Durant la période « faste » qui s’étend l’indépendance jusqu’aux années 70, les maronites avaient joui d’une « hégémonie » (instrumentalisée par la Constitution et par le Pacte National) qui leur a notamment permis de définir à loisir leurs alliances en fonction des exigences du moment.
Avec l’accord de Taëf, le centre de gravité de l’attelage maronito-sunnite s’est déplacé et le sunnisme « conquérant » de Rafic Hariri n’a fait qu’accentuer le déséquilibre. Si l’on rajoute la « marginalisation » systématique par la Syrie (sauf pour sélectionner des agents à sa botte), on comprend mieux le désarroi « ontologique » dans lequel la communauté est plongée !
Les maronites ont mis longtemps à digérer leur nouvelle situation et les tentatives désespérées du patriarche pour mettre un peu d’ordre dans les rangs de sa communauté et lui redonner un peu de tonus, sont restées à ce jour sans effet.
Cette communauté « spécialisée » depuis l’indépendance dans le souverainisme (selon la belle formule d’Ahmad Beydoun) se désespérait d’attendre que les autres communautés la rejoignent dans sa lutte séculaire pour un Liban affranchi de toute tutelle « arabe ». Aussi, le balbutiement druze dans cette direction en 2000, le retrait des troupes syriennes en 2005 et le basculement spectaculaire des sunnites après l’assassinat de leur héros ont eu l’effet salvateur tant attendu qui s’est traduit par une « réunion » non moins spectaculaire des trois communautés dans la « Révolution du Cèdre ».
Ceci explique largement le choix « naturel » de Samir Geagea qui peut faire valoir à juste titre la cohérence de sa démarche, voire de sa stratégie. Son argument est simple: Ce sont les druzes et les sunnites qui se sont ralliés au souverainisme. Il était donc tout à fait logique de s’en réjouir et de les accueillir à bras ouverts dans la lutte pour un Liban indépendant.
Mais alors, quelle est la stratégie de Michel Aoun ? Son rêve fou de conquérir la Présidence et son « combat de coqs » avec son frère ennemi pour le leadership de la communauté, peuvent-ils justifier son alliance « contre nature » avec le Hezbollah ?
Pour « habiller » les obsessions compulsives du Général, les « penseurs » du mouvement se sont trouvé contraints d’inventer une contre stratégie. Celle-ci est simple puisqu’elle tient en deux mots: la renaissance du chiisme et sa montée en puissance inexorable mettent le sunnisme sur la défensive, voire sur le déclin. Notre cheval de bataille gagnant est tout désigné. C’est beau comme l’antique n’est-ce pas ?
N’en déplaise à Saint Maron et au patriarche, la dichotomie est donc en marche et les surprises sont à venir !
posted by BeO at 09:24