La théorie des jeux étudie le comportement des individus face à des situations d’antagonisme et cherche à mettre en évidence des stratégies optimales. On y distingue le cas simple des jeux dits « à somme nulle » : ce que gagne l’un est nécessairement perdu par un autre (les échecs ou le poker, par exemple) du cas complexe des jeux dits à « somme non nulle » où la recherche d’une solution entre deux parties nécessite une négociation.
Dans ce dernier cas, les deux joueurs ont globalement la possibilité de gagner ensemble ou de perdre ensemble. Une stratégie optimale suppose l’acceptation par les joueurs de respecter une règle établie à l’avance, et s’ils décident de gagner ensemble, ils aboutissent alors à ce qui est convenu d’appeler dans les négociations commerciales, une solution win-win.
Gagner ensemble n’est pas une obligation, mais plutôt une question de bon sens pour un esprit non borné, puisque l’unique autre possibilité est de perdre.
Hassan Nasrallah qu’on avait connu dans le temps assez perspicace vient ostentatoirement d’opter pour le deuxième terme de l’alternative en affirmant avec une froide insolence sa certitude qu’il n’a rien à perdre et tout à gagner.
Où est donc passée sa sagacité et comment expliquer l’érosion de son QI ? La « victoire divine » ne peut à elle seule expliquer la transformation de la perspicacité en arrogance ! Depuis cette maudite victoire, il ne cesse d’inventer des moulins à vent pour se donner l’illusion de poursuivre un combat qui en dépit de ses rodomontades répétées demeure à ce jour sans objet.
Constatant que toutes ses entreprises oiseuses n’ont mené qu’à des fiascos, il vient de nous annoncer qu’il a décidé de renvoyer sine die toute recherche de solution. En somme, son dernier discours peut se résumer en une seule phrase: si vous ne me laissez pas rafler la mise, alors je ne veux plus jouer ! On avait sur les bras un obsédé qui ne cesse de lorgner le fauteuil présidentiel, voilà qu’on hérite d’un caractériel qui s’irrite d’être en colère et se console en jurant de ne pas se consoler.
S’il se tenait coi dans son bunker, passe encore, mais notre Don Quichotte divin veut s’attaquer maintenant aux fondements mêmes du vivre ensemble des Libanais. S’il est vrai que ces derniers n’aient jamais su inventer un modus vivendi viable ni renoncé à dépecer leur Etat et en phagocyter les morceaux dans leurs communautés respectives, ils sont aujourd’hui de plus en plus nombreux à vouloir construire cet Etat fédérateur. Or, ce sont précisément ces premières velléités consensuelles qui sont devenues aujourd’hui la principale cible du Hezbollah qui se complaît à vouloir être le principal pourfendeur d’un Etat déjà fortement atrophié.
Ceci ne doit pas nous étonner, Waddah Chrara a depuis longtemps déconstruit la logique anti-étatique du Hezbollah et étayé sa dynamique destructrice. Son livre, « l’Etat du Hezbollah » qui vient d’être réédité par An-Nahar, est une lecture absolument indispensable pour tout Libanais.
L’obstination maladive de Hassan Nasrallah s’accompagne d’une certitude inébranlable en une victoire contre un ennemi encore indéfini et d’une fuite en avant volontairement suicidaire entraînant dans son sillage non seulement une communauté prise en otage, mais le pays tout entier.
Persuadé de gagner à l’arrivée, il est loin de douter que le jeu qu’il joue est « à somme non nulle » et que sa stratégie le conduit inexorablement à perdre. C’est là que réside peut-être le vrai sens du martyre qu’il appelle de ses vœux.
Hélas, la théorie des jeux ne va pas aussi loin !
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