Émouvante fête patronales à Baalbek chez les dieux

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La nuit porte conseil dit-on. Le temps cicatrise les blessures. L’amour d’une patrie permet de dépasser la réaction émotive première face au show télévisé, organisé par le Comité du Festival de Baalbeck hier soir.

 

J’écris parce que j’aime ce pays où j’ai vu le jour et où j’ai grandi durant les années glorieuses et insouciantes de l’Age d’Or du Liban.

Je me refuse d’emblée à émettre la moindre critique quant à la qualité des prestations qu’il m’a été donné de voir et entendre sur mon téléviseur. On ne peut pas comparer les figures de légende des artistes universels qui se sont jadis produits entre les péristyles des temples de Baalbeck, les portiques, les cours et les propylées, aux jeunes talents d’hier soir. J’exprime cependant ma surprise qu’on n’ait pas fait appel également à de jeunes artistes qui auraient plus mis en valeur le patrimoine libanais et arabe si riche de toutes les variétés de chants et de danses de l’Orient.

Le début du spectacle fut tellement émouvant que j’en avais les larmes aux yeux. Les prises de vue aériennes de l’acropole de Baalbeck, les éclairages et surtout les trompettes de la fanfare du Martyre de Saint Sébastien de Debussy m’ont ramené des décennies en arrière, à l’époque bénie de mon enfance et de ma jeunesse quand, en famille, on allait à Baalbeck portant nos plus beaux vêtements, fiers de participer à un festival que le monde entier nous enviait de pouvoir organiser.

Ce temps n’est plus malheureusement et j’en souffre énormément. Je ne jugerai pas le show d’hier en bourgeois snobinard mais en patricien de la longue tradition hellénistique, romano-byzantine, qui est mienne et qui a érigé ces temples de Baalbeck, de Niha, de Ksarnaba et d’ailleurs. J’écris donc en patricien amoureux de sa cité, soucieux de la recherche du bien commun, et non en bourgeois snob amateur du mimétisme de l’acculturation.

Je rends justice aux responsables du Comité du Festival de Baalbeck qui ont tenu à organiser cet événement. J’apprécie leur idée de décentraliser les événements organisés. Que tous les sites historiques du Liban deviennent des scènes où les talents divers de ce peuple puissent s’exprimer. Tous les talents sans exception et non seulement ceux qui se produisent dans les pubs de Jemmayzé, de Mar Mikhaïl et d’ailleurs. L’acropole de Baalbeck devra demeurer le haut lieu d’événements de prestige, du grand art et de la grande culture quand l’heure de la renaissance du Liban sonnera.

Aujourd’hui, laissons reposer la dépouille de notre pays en paix ; elle en a bien besoin. La chair du Liban a été tant torturée et suppliciée par les pires criminels sanguinaires et génocidaires. Oui, génocidaires car ils se moquent du meurtre de la ville de Beyrouth et de tous les assassinats couverts par l’impunité politiquement institutionnalisée.

Je dis bravo aux jeunes talents d’hier et partage leur fierté d’avoir pu se produire au pied des mêmes colonnes que les plus grands artistes du XX° siècle. Ils étaient fiers et émus, quelque peu maladroits, mal assurés dans leur prestation. Peu importe. Je leur dis un grand MERCI pour le témoignage de vie qu’ils nous ont offerts. Un témoignage aussi timide qu’un soupir paisible que peut émettre l’être humain aux heures de son agonie. Merci du fond du cœur, à chacune et chacun de dire que la vie de l’homme ne consiste pas seulement à se préoccuper à trouver de quoi manger, de quoi boire et de quoi s’éclairer. Merci de dire, andante ma non troppo, à la milice-mafia qui a pris en otage l’État libanais qu’elle ne parviendra pas à vampiriser l’âme de ce peuple.

Peu importe la qualité artistique et esthétique de ce qui fut, en réalité, un exercice d’entrée au Conservatoire voire une émouvante fête patronale de fin d’année scolaire. Peu importe. Cette timide brise de culture dépassant la matérialité des besoins quotidiens, résonnait entre les colonnes des temples comme le bruit de la foudre que le peuple libanais doit lancer à la figure des crapules mafieuses qui le tiennent en otage. J’avais l’impression que ces paroles bricolées des rappeurs, ces notes musicales parfois maladroites étaient, à mes oreilles, une protestation du refus de la réalité humiliante et indigne à laquelle le Liban a été réduit par l’association de malfaiteurs que constitue son actuelle caste dirigeante. Puisse le souffle de vie de cette émouvante fête patronale chez les dieux, se transformer en tonnerre et foudre de Zeus/Jupiter qui emporteront en enfer la caste mafioso-milicienne qui a tué le Liban et son peuple.

Merci à tous ces artistes en herbe de nous permettre, à la veille de la date fatidique du 4 août, de pouvoir crier haut et fort à la face des crapules dirigeantes : « Vous ne nous écraserez pas. Nous vous détruirons parce que nous sommes la Vie et vous n’êtes que la Mort ».

Cette fête patronale chez les dieux de Baalbeck résonne encore en moi comme les versets du Psaume 68, celui qu’on entonne au matin de Pâques pour affirmer le triomphe de la vie sur la mort :

[Que Dieu se lève, que ses ennemis se dispersent et que ses adversaires prennent la fuite devant lui.

Comme la fumée se dissipe, Il les dissipe ; comme la cire fond face au feu, les méchants disparaissent devant Dieu.

Mais les justes se réjouissent, ils triomphent et sont transportés de joie] (Psaume 68 : 2-4)

Jeunesse de mon pays, n’aies pas peur. Les dieux triomphants du Liban c’est toi.

N’aies pas peur, peuple meurtri. Tu vas les vaincre.

Vive la Révolution.

Vive le Liban

acourban@gmail.com

*Beyrouth

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