Beyrouth, Correspondant
Il avait promis de transmettre aux autorités libanaises un message de fermeté. Jean-Yves Le Drian, qui a quitté Beyrouth vendredi 24 juillet dans l’après-midi, après trente-six heures dans un pays en pleine déliquescence, a tenu parole. Que ce soit avec le président, Michel Aoun, le premier ministre, Hassan Diab, le chef du Parlement, Nabih Berri, ou le ministre des affaires étrangères, Nassif Hitti, le chef de la diplomatie française n’a pas pris de gants.
Il s’est exprimé en des termes inhabituellement directs, à la mesure du cataclysme économique qui ravage le pays. Un ton qui est aussi révélateur de l’agacement que les atermoiements des dirigeants libanais suscitent à Paris, où l’on ne compte plus le nombre de réformes promises qui n’ont jamais vu le jour.
« Ça a été rude, Le Drian leur a passé un savon, relate une source au courant de l’entretien avec le chef du gouvernement, auquel plusieurs autres ministres ont assisté. Il leur a dit de se reprendre en main. Ce n’était pas un ultimatum, mais ce n’était pas le moment des amabilités. » Auprès de tous ses interlocuteurs, M. Le Drian a martelé que la France ne faisait pas une croix sur le Liban et qu’elle demeurait à ses côtés, preuve en est l’aide de 15 millions d’euros allouée aux écoles francophones, pilier du secteur éducatif, particulièrement ébranlé par la crise.
« Au bord de l’abîme »
Mais le ministre a ajouté que le temps des chèques en blanc était révolu et que, en l’absence d’un accord avec le Fonds monétaire international (FMI), garantissant la mise en œuvre des réformes, les 11 milliards de dollars (9,4 milliards d’euros) d’aide promis à la conférence Cedre, organisée à Paris en 2018, ne seraient pas débloqués. « Le Drian a été très franc, très frontal. Il a dit la vérité telle qu’elle est, ce qui est important », ajoute un participant à un autre entretien.
Auprès d’Hassan Diab, le chef du Quai d’Orsay a insisté sur l’urgence de la mise en place d’une autorité de régulation dans le secteur de l’électricité, gouffre financier bien connu « où ce qui a été fait n’est guère encourageant », a-t-il précisé dans un discours public. Auprès de Nabih Berri, le chef du parti chiite Amal, l’émissaire français a souligné l’importance de passer une loi sur le contrôle des capitaux, une mesure à laquelle le chef du Parlement ne fait pas mystère de s’opposer.
Reste à savoir si ce traitement de choc aura un quelconque effet. « Le Drian nous a répété que le Liban est au bord de l’abîme, témoigne une représentante de la société civile, invitée à un dîner, jeudi soir, en compagnie du ministre. Mais on fait quoi, si le Liban tombe dedans ? Personne n’a de réponse à ça. En septembre, ce sera peut-être le Venezuela, ici. Ça laisse très peu de temps. »