eux grenades prêtes à exploser une fois dépouillées du sparadrap remplaçant la goupille ont été découvertes, mercredi 28 février, non loin du siège de l’évêché grec orthodoxe de la ville de Saïda, chef-lieu du Liban sud.
La veille, les forces de sécurité avaient annoncé le démantèlement, à la lisière du camp de réfugiés palestiniens d’Aïn Héloué, dans la banlieue de Saïda, d’une cache relevant d’un « groupe terroriste » installé à l’intérieur du camp. Elle recelait 31 charges explosives « chimio-électriques » extrêmement sophistiquées, dont l’identification a nécessité le recours à des experts étrangers. Une dizaine de jours plus tôt, le ministre de la défense, Elias Murr, avait fait état de renseignements selon lesquels un groupe installé dans le même camp préparerait un attentat contre les casques bleus des Nations unies déployés au Liban sud.
Depuis le 13 février, date à laquelle un double attentat à l’explosif a visé deux minibus de transport public dans la montagne du Metn, au nord-est de Beyrouth, chaque jour ou presque apporte son lot d’informations sur la découverte d’explosifs. Un climat d’inquiétude s’est installé, accentué par les combats de rue, y compris avec des armes à feu, qui ont opposé des partisans de la majorité à d’autres de l’opposition, les 23 et 25 janvier.
Dans un souci de dédramatisation, Elias Murr ainsi que Walid Joumblatt, chef du Parti socialiste progressiste (PSP) et l’un des dirigeants de la majorité politique, ont déclaré, dans des entretiens télévisés séparés, qu’il est de notoriété publique que chacun, au Liban, dispose d’une arme individuelle. « L’Etat libanais ne pouvait les ramasser (après la fin de la guerre de quinze ans : 1975-1990) dans la mesure où les camps (de réfugiés) palestiniens sont armés », a notamment fait valoir M. Murr.
Le fait est, néanmoins, que d’après les connaisseurs, la demande ne cesse de croître sur le marché noir, où le prix des armes individuelles aurait augmenté. Une kalachnikov se vend désormais entre 500 et 600 dollars au lieu de 100 à 150 dollars avant la crise. Les autorités syriennes ont annoncé de leur côté avoir intercepté, dans un camion se rendant au Liban, un colis comprenant 96 pistolets de 9 mm, un fusil-mitrailleur et leurs munitions.
Plus grave : le patriarche de la communauté maronite (catholique), le cardinal Nasrallah Boutros Sfeïr, a fait état d’une véritable « course à l’armement de tous les partis et protagonistes libanais ». « Comme si, a-t-il ajouté dans un prêche prononcé le dimanche 25 février, nous étions revenus plus de vingt ans en arrière ; comme si nous n’avions tiré aucune leçon des drames et des tragédies que nous avons vécus. »
Officiellement, les milices de toutes appartenances politico-communautaires qui ont participé à la guerre civile de quinze ans ont été dissoutes et ont remis leurs arsenaux à l’armée. Le Hezbollah (chiite, opposition) fait exception. Il continue d’être équipé d’armes de tous calibres, fournies principalement par l’Iran pour lui permettre de lutter contre Israël. Des dizaines d’obus de moyenne et de courte portée, appartenant au Parti de Dieu, récemment saisies par l’armée libanaise, ont toutefois semé le doute sur ses intentions, pour le moins aux yeux de ses adversaires politiques.
Dans un article du magazine américain The New Yorker, le journaliste Seymour Hersh affirme, selon des sources américaines, européennes et arabes, que les Etats-Unis contribuent au réarmement. A l’en croire, une partie des fonds généreusement accordés par l’administration de George Bush à la majorité politique aboutirait dans les mains de groupes djihadistes sunnites, avec l’autorisation du gouvernement de Fouad Siniora et de ses alliés. M. Hersh nomme en particulier deux organisations : Osbat Al-Ansar et le Fatah islamique. Paradoxalement, elles sont toutes deux pourchassées par les autorités libanaises.
Les services de M. Siniora ont en tout cas qualifié de « surprenantes et fondamentalement fausses » les affirmations de M. Hersh, dès la mise en ligne de son article sur le site du New Yorker. « Ces affirmations sont en totale contradiction avec la politique du gouvernement, ses orientations et ses pratiques, qui tendent toutes à renforcer les capacités des forces de sécurité légales (FSI et armée) (…) et hostiles à toutes les forces et associations extrémistes qui pratiquent la violence », ont indiqué les services de M. Siniora dans un communiqué.
Mouna Naïm