Bahrein ou Dilmun, un autre Liban-message

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À regarder les images du sommet spirituel de Bahrein, on se surprend à dire : « Heureusement que le Pape François n’a pas effectué le voyage au Liban aouno-bassilien ». La providence divine a épargné à Sa Sainteté les déchaînements populistes que nous avons pu admirer lors de la surréaliste cérémonie d’adieux à l’ancien chef de l’État, Michel Aoun, le dimanche 30 octobre. En dépit du fait que le déplacement du Pape au Liban n’avait jamais été officiellement annoncé par les services du Saint-Siège, les officines aouno-bassiliennes, ainsi que leurs relais religieux, ont cru que ce voyage était acquis pour le mois de juillet 2022. Ils ont dû se contenter de suivre les déplacements du Pape, en fauteuil roulant, au Congo et Sud-Soudan (2-7 juillet) ; au Canada (24-30 juillet) ; au Kazakhstan (13-15 septembre) et à Bahrein (3-6 novembre). L’image de marque des chrétiens du Liban, défigurée par le populisme, la haine anti-sunnite et le racisme anti-arabe, attendra, en vue de sa réhabilitation, que soit évacué l’héritage désastreux de l’ère Michel Aoun.

François de Rome s’est donc retrouvé au petit Royaume de Bahrein en compagnie de nombreux chefs d’églises chrétiennes orientales ainsi que du Grand Imam d’Al Azhar, son cosignataire du document d’Abu-Dhabi sur la fraternité humaine. On peut parier que l’événement de Bahrein n’a pu avoir lieu sans l’appui conséquent du Royaume d’Arabie dont l’ambassadeur à Beyrouth organisait en même temps un colloque à l’occasion du 33ème anniversaire des Accords de Taëf qui n’auraient pas vu le jour sans les destructions massives des guerres fratricides menées par Michel Aoun durant son premier mandat de chef du gouvernement transitoire (1988-1990). Le deuxième mandat de Michel Aoun, comme chef de l’État (2016-2022), laisse derrière lui un Liban en enfer qui s’effrite en lambeaux. A Beyrouth, on souhaite redonner vie au Liban. À Bahrein on expose une image de la libanité comme espace de dialogue et de paix entre les hommes, conformément aux termes de l’Exhortation Apostolique de 1997. Les Arabes du Levant et du Golfe savent ce qu’ils doivent au Liban et à ses codes alors que les libanais aouno-bassiliens et hezbollahis ont dépensé des trésors de malfaisances à leur faire du tort.

Mais Bahrein n’est pas un coin perdu au milieu des déserts d’Arabie. Il s’agit d’un haut lieu de la sédentarisation de l’homme depuis le IV° millénaire. Le toponyme Liban est chanté dans les textes bibliques comme chaîne montagneuse d’une grande beauté, bénie par Dieu comme une parcelle de paradis, terre d’abondance. Dès l’aube de la civilisation Sumérienne (IV° millénaire avant JC), Bahrein ou Dilmun (le Tylos des Grecs) est chanté dans l’épopée de Gilgamesh et toute la littérature mésopotamienne comme terre d’éternité, paradis où il n’y a ni maladie ni souffrance, ni pleurs ni gémissements, terre de sources fraîches, lieu de repos de l’âme des défunts, petit paradis sur terre. On pense que le concept de paradis terrestre aurait été inspiré aux auteurs de la Bible par les descriptions de Dilmun dans les textes sumériens. Quand Gilgamesh demande à son dieu de lui conférer l’immortalité, il fut conduit à Dilmun où il rencontra Ziusudra, le Noé sumérien, qui avait survécu au grand déluge sur la terre de la vie. Mais Dilmun, à l’aube de la civilisation, était le plus important centre du commerce entre le Golfe, la Mer d’Arabie et la vallée de l’Indus. Dilmun était donc en quelque sorte un Liban préhistorique où il faisait bon vivre et où tout homme souhaitait être enterré. Les  milliers de cimetières des multiples nécropoles de Saar, de Barbar, d’Al Shakhoura et d’Al’Aali en témoignent encore.

En regardant les images de la rencontre de Bahrein, le libanais moyen, aimant un tant soit peu son pays-message pouvait se consoler de la destruction criminelle de sa patrie par les responsables politico-mafieux qui l’ont gouverné et le gouvernent encore. N’en déplaise aux aouno-bassiliens, le destinataire du message Liban a plus d’égards envers le Liban que les ploucs populistes fiers de compter leurs boules de fromage chanklich et leurs outres de chèvres.

A cause de tous les malheurs qui l’ont accablé, certains ne croient pas au Liban et se demandent s’il existe un trait commun entre les groupes ethno-confessionnels du Liban, s’il existe une  » libanité  » comme référent d’identification nationale. La libanité, comme essence homogène, n’existe sans doute pas. Nul ne peut cependant nier qu’il existe un certain mode d’urbanité que Beyrouth a su forger et qui sert de substitut acceptable à une certaine libanité identitaire. Tout un mode de vie, toute une manière d’être, ont fini par forger un certain profil à l’homme libanais. Cette -urbanité transcende les frontières de la république libanaise. Le modèle  » Beyrouth  » a fini par s’exporter dans tout l’Orient. Aujourd’hui réduite à néant, Beyrouth survit à Manama, Dubaï, Abu Dhabi et d’autres villes de l’Orient. La rencontre de Bahrein a certes pu insister sur le vivre-ensemble en tant que frères mais elle a aussi, inconsciemment, rendu hommage à Beyrouth, le creuset d’origine du modèle.

N’en déplaise à la haine des hezbollahis et des aouno-bassiliens envers les Arabes du Golfe, c’est grâce à ces derniers que la jeunesse libanaise parvient encore à subvenir aux besoins de ses aînés dévalisés par la caste dirigeante qui a opéré un véritable rapt de l’Etat..

Ils ne veulent pas de Taëf qui les aurait privés de quelques prébendes de pouvoir ?  Ils ne pourront jamais revenir en arrière et obtenir plus.

acourban@gmail.com

Ici Beyrouth

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