Me Aït Larbi l’assimile à celui qui a conduit à la condamnation du colonel Chaâbani, il y a 51 ans à Oran. Le général Nezzar va plus loin et qualifie la décision du tribunal militaire de «criminelle».
L’arrestation de cet ancien responsable de la lutte antiterroriste comme un grand criminel, sa condamnation à la peine maximale sans bénéfice des circonstances atténuantes, balayant d’un trait sa carrière de 51 ans d’actes de bravoure et d’abnégation pour la sauvegarde de la patrie, qui a fait de lui le gradé le plus décoré de l’armée algérienne, sentent le règlement de comptes et donnent au verdict un caractère de châtiment exemplaire aux éventuels contestataires.
Deux chefs d’inculpation — «infraction aux consignes» et «destruction de document» — ont suffi pour détruire une compétence dont le pays a grandement besoin pour faire face aux nombreuses menaces terroristes qui pèsent lourdement à nos frontières.
Arrêté par une escouade de gendarmes qui avaient encerclé son domicile dans la nuit du 27 août 2015, le général Hassan a été transféré à Blida en exécution d’un mandat d’arrêt, qui était sous la main du juge depuis des mois, durant lesquels le général a fait plusieurs voyages à l’étranger pour se soigner sans être inquiété à la frontière.
Déféré devant le juge, la constitution de l’avocat qu’il a choisi, bâtonnier de son état, a été rejetée par le président du tribunal, qui n’a notifié sa décision que des semaines après sans aucune explication. Encore une autre violation du principe du droit à la défense.
Nombreuses violations de la procédure
D’autres avocats arrivent et soulèvent de nombreuses violations de la procédure. La plus importante est celle d’entendre comme témoins d’anciens subordonnés du général en leur faisant prêter serment. Une violation qui aurait pu conduire à l’annulation de la procédure, mais cela n’a pas été le cas.
Quelques jours après le mouvement très controversé dans les rangs de la justice militaire, notamment des procureurs (d’Oran, de Béchar, de Constantine de Blida, pour ne citer que ceux-là), le général Hassan est déféré devant le tribunal militaire d’Oran pour y être jugé. L’audience s’est déroulée à huis clos à la demande du procureur.
Après une délibération de quelques minutes, le président, M. Boukhari, et ses deux assesseurs, des généraux des forces aériennes et terrestres, décident de faire évacuer de la salle la famille du prévenu, alors que la presse était interdite d’accès y compris aux alentours du tribunal. La décision tombe tard dans nuit.
Comme l’a qualifié un des avocats du général Hassan, Me Bourayou, le verdict est un véritable châtiment : «A travers le monde, dans ce genre de procès, même si l’on considère que le général est coupable — bien que ce ne soit pas le cas — la raison d’Etat prend toujours le dessus pour déroger un peu à la loi. Or, cela n’a pas été le cas.»
La convocation du général Toufik refusée
«Le tribunal a infligé non seulement la peine maximale, mais ce qui est grave, il lui a refusé toutes circonstances atténuantes. La seule chose qu’il a entendue, c’est notre demande de refuser les déclarations sous serment des témoins qui, dans leur majorité, n’ont pas vraiment été à charge. Ils n’ont rien établi de manière formelle», ajoute Me Bourayou.
Le tribunal a fait appel à des témoins dont les déclarations sont subjectives, alors qu’il a refusé la demande de convocation du général Toufik introduite par Me Aït Larbi. «En joignant cette demande au fond, nous avions compris qu’il allait la rejeter», déclare Me Tayeb Ahmed Touphaly, encore sous le choc du verdict.
Il précise toutefois qu’il garde l’espoir de voir le procès revenir après le pourvoi en cassation que la défense compte introduire auprès de la Cour suprême.
Force est de constater que par sa décision, le tribunal militaire d’Oran n’a fait que confirmer que le général Hassan est bel et bien une victime collatérale de la guerre féroce ayant opposé le clan de la Présidence au patron du DRS, le général Toufik.
L’incarcération et la poursuite du général Hassan ont été décidées pour pousser le premier responsable du DRS à la sortie, une sorte de sanction contre le fait que son département ait enquêté sur les affaires de corruption au centre desquelles se trouvent les hommes les plus proches du Président, à l’image de Chakib Khelil, ex-ministre de l’Energie, mais aussi des membres de sa famille.
Même la lettre que le général Toufik a envoyée au Président, plaidant la cause du général Hassan qui agissait sous ses ordres et, de ce fait, en assume toutes les actions, n’a pas eu de réponse. La machine de la vengeance a eu raison de l’homme qui a grandement participé à sauver le pays du péril terroriste.
El Watan