Les enjeux de sécurité régionale sont la priorité. La tournée amènera le président français aux Émirats arabes unis, au Qatar et en Arabie saoudite. L’émirat d’Abu Dhabi abrite à lui seul trois bases militaires françaises, de la marine, de l’armée de l’air et de l’armée de terre.
La France a des accords de défense avec les Émirats et le Qatar ; elle apporte également un soutien opérationnel à l’armée saoudienne. La France entend garantir ses approvisionnements pétroliers et la liberté de navigation dans le Golfe, grâce à sa marine et à celles de ses alliés.
Les États-Unis d’Amérique et la France souhaitent stopper dans l’œuf toute velléité d’accaparement du Golfe par les forces armées de l’Iran. Ainsi que toute velléité de fabrication de la bombe atomique.
C’est justement le sujet des négociations qui ont repris le lundi 29 novembre à Vienne entre les grandes puissances et l’Iran, lesquelles intéressent au plus haut point les pétro monarchies du Golfe.
Les six puissances qui négocient au nom de l’ONU, à savoir la France, l’Amérique, l’Angleterre, la Chine, la Russie et l’Allemagne, sont, une fois n’est pas coutume, d’accord. Elles veulent empêcher toute prolifération nucléaire en faveur de l’Iran. Elles entendent reconstruire l’accord nucléaire qui avait été signé sous Obama le 14 juillet 2015 à Vienne, mais que Trump avait ensuite détruit unilatéralement.
Il s’agissait à l’époque d’obtenir une dénucléarisation militaire de l’Iran en échange d’une suspension des sanctions. On avait proposé à l’Iran d’abandonner toute idée de bombe atomique, pour redevenir la grande puissance commerciale du Moyen-Orient qu’elle avait été sous le chah. Les inspecteurs de l’AIEA (Agence internationale de l’énergie atomique de Vienne) avaient, à quatre reprises, constaté que l’Iran avait tenu ses engagements en matière de plafonnement de son enrichissement d’uranium et d’ouverture de ses installations nucléaires de recherche.
Cependant, pour des raisons de pure idéologie, Trump avait défait ce qu’Obama avait fait. Les pays européens ont été scandalisés, mais ils ont été incapables de maintenir leur commerce avec l’Iran. En effet, des sociétés comme Total et Peugeot, qui étaient leaders dans leur domaine en Iran, ont dû quitter le pays par peur d’être sanctionnées par le Trésor américain. Personne n’est parvenu jusqu’à présent en Europe à se jouer de l’extraterritorialité du droit américain.
En représailles, les Iraniens ont repris leur enrichissement d’uranium, tout en rendant beaucoup plus difficile le travail d’inspection de l’AIEA chez eux. Ils sont maintenant beaucoup plus proches de la masse critique nécessaire à une explosion nucléaire qu’ils ne l’étaient il y a six ans. Ils ont traîné les pieds avant de reprendre les négociations de Vienne. Veulent-ils gagner du temps pour accroître leurs stocks de matières fissiles et devenir un « pays du seuil », au même titre que le Japon ou que la Corée du Sud ?
Inversement, si l’Iran privilégie son économie et veut sincèrement se dénucléariser, il risque d’exiger de Joe Biden quelque chose que le président ne sera pas capable de donner : la ratification d’un traité international en bonne et due forme par le Sénat américain, qui exige une majorité des deux tiers.
Les alliés arabes de la France dans le Golfe demanderont à son président de rester ferme dans les négociations de Vienne avec l’Iran. Emmanuel Macron les entendra mais, en échange, plaidera pour le sort du Liban. Les pétromonarchies du Golfe ont arrêté de financer le pays du Cèdre, bien qu’il ait accueilli plus d’un million de réfugiés syriens. L’Arabie saoudite a même arrêté de commercer avec lui. Ces puissances sunnites veulent punir le Liban, estimant qu’il est tombé trop profondément entre les mains du Hezbollah, le grand parti de sa communauté chiite. Le problème du Parti de Dieu aux yeux des pétromonarchies n’est pas son islam rigoriste. C’est son rôle de bras armé de l’Iran au Moyen-Orient. Le Hezbollah est intervenu en Syrie pour soutenir le régime baasiste contre les rebelles. Il apporte aussi un soutien militaire aux rebelles houtistes du Yémen, contre lesquels l’Arabie saoudite et les Émirats sont entrés en guerre en 2015. Il est enfin, à la frontière sud du Liban, l’instrument des Iraniens dans leur bras de fer avec Israël. Lequel est devenu un ami des pétromonarchies, au point qu’Émiratis et Israéliens font désormais des manœuvres militaires communes.
Mais aux yeux de la France, ce boycott du Liban s’apparente à une politique du pire. Car le pays du Cèdre reste un modèle de cohabitation religieuse au Moyen-Orient, qui doit être défendu contre vents et marées.