Si l’émir Tamim Ben Hamad Al-Thani a des doutes sur le projet PSG, c’est autant à cause des critiques dont son émirat est l’objet en France que des résultats de son équipe.
Affecté par les échecs sportifs récurrents, le propriétaire du PSG vit de plus en plus mal les critiques, qu’il juge injustes et nuisibles à son image.
Huit ans après la reprise du PSG, l’enthousiasme a laissé place à un certain scepticisme à Doha. Davantage que les échecs récurrents en Ligue des champions, c’est l’environnement médiatico-financier qui répand le doute. À tel point qu’un désengagement à moyen terme, ou une baisse sensible du financement du club n’est plus à exclure.
La lassitude ne vient pas des défaites en Coupe de France face à Rennes (samedi dernier) ou en championnat à Montpellier (mardi soir), vécues de façon anecdotique, comme un énième camouflet qui ne change finalement rien au tableau.
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L’origine du malaise est beaucoup plus profonde. Les Qatariens sont particulièrement sensibles aux critiques dont ils font l’objet en France et les vivent comme une injustice. Grâce à eux, la marque PSG est devenue l’une des plus puissantes du monde et des stars planétaires comme Beckham, Ibrahimovic ou Neymar ont foulé les pelouses de Ligue 1. Ils estiment que les preuves de reconnaissances sont rares. En revanche, après chaque déroute, des flots de raillerie ternissent l’image du club et, par ricochet, celle de l’émirat. Avec la récurrence des contre-performances, les propriétaires craignent que Qatar ne rime avec déboire.
Plus d’un milliard d’euros d’impôts versé
Si les critiques des médias fatiguent les dirigeants parisiens, le manque de soutien du football français les afflige. Comme le rappelle souvent Nasser al-Khelaïfi, sans Neymar et Mbappé, Mediapro n’aurait pas déboursé 1,15 milliard d’euros pour s’approprier les droits de diffusion du championnat entre 2020 et 2024. Une manne qui va profiter à tous les clubs de Ligue 1, y compris Lyon, dont le président est l’un des plus farouches détracteurs du PSG… Les interventions médiatiques de Jean-Michel Aulas sont vécues comme des agressions. Elles entretiennent le climat d’incompréhension dans lequel navigue le PSG, un club qui a toujours volontiers glissé dans la paranoïa.
Le doute qatarien se nourrit aussi de considérations beaucoup moins sentimentales. Souvent montré du doigt pour les moyens démesurés qu’il a investi dans le club parisien, le Qatar met en exergue le montant des impôts prélevés chaque année par l’État français. Depuis son arrivée en 2011, le PSG aurait versé plus d’un milliard d’euros d’impôts. Selon le syndicat Première Ligue, le PSG paie à lui seul plus de charges sociales que l’ensemble des clubs de première division allemande, italienne et espagnole réunis !
Nasser Al-Khelaïfi ne se plaint jamais de la pression fiscale sur son club. En revanche, que cela ne soit pas pris en compte par l’UEFA l’exaspère. Car ces dernières années, c’est surtout le fair-play financier et ses règles du jeu mouvantes qui indigne le Qatar, propriétaire multimilliardaire à qui on interdit de dépenser son argent. Une aberration pour l’émir Tamim Ben Hamad Al Thani et son entourage. Blessé par la remontada en 2017, à Barcelone, il avait ordonné de faire « sauter la banque » en recrutant pour 400 millions d’euros Neymar et Mbappé. Depuis, les dirigeants s’escriment à rester dans les clous du fair-play financier, et Thomas Tuchel doit composer avec un effectif quantitativement réduit.
Les autres pays ouvrent les bras au Qatar
Les obstacles sont nombreux, mais le football reste un enjeu stratégique pour l’Émirat. À tel point qu’il pourrait étendre son influence en rachetant d’autres clubs européens. Des négociations sont en cours avec l’AS Rome, et QSI (Qatar Sports Investment, entité propriétaire du PSG) suit de très près des clubs de deuxième division anglaise. La Grande-Bretagne est le pays où les Qatariens investissent le plus massivement : près de 6 milliards d’euros entre 2018 et 2023, selon les prévisions. À Londres, ils sont accueillis à bras ouverts. Ce qui ne fait qu’accentuer leurs interrogations sur le traitement dont ils font l’objet en France. Ce malaise pourrait-il déboucher sur un désengagement beaucoup plus rapide que prévu ?
Les équipes de Nasser al-Khelaïfi l’excluent catégoriquement. Car les échecs sportifs ne doivent pas masquer le chemin parcouru depuis 2011, notamment au niveau commercial. Les revenus sponsoring ont été multipliés par dix en sept ans et le groupe Accor signera chaque saison un chèque de 65 millions d’euros pour s’afficher sur le maillot des champions de France. En outre, deux grands projets sont sur les rails : le nouveau centre d’entraînement verra le jour à Poissy en 2021 (un investissement de 300 millions d’euros) et l’extension du Parc devrait prendre forme après 2024. Les 750 salariés du club n’ont donc pas de souci à se faire à court terme.
Mais puisque tout est lié aux résultats dans un club, Thomas Tuchel et ses joueurs seraient bien inspirés de réussir, enfin, une bonne campagne européenne en 2020. Cela ramènerait une vraie sérénité, à Paris comme à Doha.
CHIFFRES
1,5. En milliard d’euros, la somme investie par le Qatar dans le PSG depuis son rachat en 2011.
193. En millions d’euros, ce que le PSG a rapporté directement ou indirectement à l’Etat français pendant la saison 2017-2018, selon les calculs du club. Charges sociales : 134 M€ ; impôts : 19 M€ ; impôts sur le revenu des joueurs : 40 M€ (estimation).
4. Le nombre de participations du PSG aux quarts de finale de la Ligue des champions depuis son rachat (de 2013 à 2016). Depuis, Paris a buté chaque année en huitièmes de finale.
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