Sous la pression de la Ligue islamique mondiale, qui opère un notoire changement de stratégie, la mosquée a dû licencier quatre employés français fichés S. La restructuration pourrait ne pas s’arrêter là.
Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’avec le nouveau secrétaire général de la Ligue islamique mondiale (LIM), le Saoudien Mohammed bin Abdulkarim al-Issa, les affaires ne traînent pas. Une semaine après avoir déclaré à la Tribune de Genève sa volonté de remettre de l’ordre à la mosquée du Petit-Saconnex, et notamment de «prendre des mesures draconiennes concernant les employés fichés S en France», c’est chose faite. Notre confrère a révélé vendredi que deux imams, le responsable de la sécurité et un autre employé (noms connus de la rédaction), qui serait lui aussi fiché S, ont été licenciés.
Les autorités inquiètent depuis 2015
Depuis 2015, la mosquée du Petit-Saconnex inquiète les autorités. Après le départ de deux jeunes pour le djihad, on apprenait que deux imams français étaient fichés pour radicalisation. En octobre 2016, Le Temps révélait que le responsable de la sécurité l’était aussi. Devant ces éléments alarmants, le directeur de la Fondation culturelle islamique de Genève, Ahmed Beyari, a fait le dos rond, louant le comportement exemplaire de ces employés.
Il ne voit pas plus aujourd’hui qu’hier où est le problème, nous indiquant par écrit: «Ces personnes avaient une autorisation de travail qui a d’ailleurs été renouvelée récemment pour l’un des imams présumés fichés S. Ils avaient un contrat de travail valable et rien à leur reprocher au niveau professionnel. Jusqu’à présent, ils étaient à ma connaissance uniquement présumés fichés S sans aucune infraction de quelque nature que ce soit à leur passif. D’ailleurs tous m’ont remis un casier judiciaire vierge. Nous n’avons jamais eu à notre disposition une information officielle concernant une quelconque culpabilité de leur part. Je devais respecter la présomption d’innocence. Si le secrétaire général a pris cette mesure, c’est sûrement en connaissance d’informations que je n’avais pas.»
Concernant le quatrième homme, il indique qu’«il a été licencié suivant l’ordre de la LIM». Les engagements à la fondation, dotée d’une trentaine d’employés, se faisaient essentiellement sur recommandation. Beaucoup sont des Français au bénéfice de permis G frontaliers.
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«D’autres licenciements pourraient suivre»
La robuste reprise en main de la LIM pourrait ne pas s’arrêter là. Ahmed Beyari est en effet plus que jamais fragile, ayant été radié récemment des membres du conseil de fondation, avec d’autres personnes. S’il reste, pour l’heure, directeur, il pourrait lui aussi faire les frais de cette restructuration. Une éventualité qu’il repousse: «Je vais continuer ma mission jusqu’à son terme.» Mais non sans avoir, au préalable, obtempéré à l’autorité de tutelle en faisant ce qu’il s’était jusqu’ici refusé à faire. Selon une source interne, on parle déjà de recrutement.
Le travail de restructuration de ce lieu de culte emblématique n’est peut-être pas terminé. Selon Hafid Ouardiri, ancien porte-parole de la mosquée, «d’autres licenciements pourraient suivre». Car pour que ce lieu soit en harmonie avec la société, qu’il soit géré de manière transparente et rompe avec la ligne rigoriste à l’œuvre ces dernières années, «il faut que l’allégeance fasse place à la compétence. Les personnes chargées d’animer ce lieu doivent avoir suffisamment de connaissances, en conformité avec un islam ouvert et tolérant, ancré dans nos valeurs.» Soit la ligne que promeut désormais le nouveau prince héritier d’Arabie saoudite. Superviseur de 25 mosquées en Europe, le secrétaire général de la LIM semble vouloir entamer ce virage stratégique à Genève.