INFOGRAPHIE – Onze princes, d’anciens membres du gouvernement et ministres en exercice ont été arrêtés à la demande d’un nouvel organe de lutte contre la corruption.
La purge est sans précédent en Arabie saoudite. Pas moins de onze princes, quatre ministres en exercice et plus d’une trentaine d’anciens hauts-responsables ont été arrêtés dans la nuit de samedi à dimanche dans le royaume, a rapporté la chaîne de télévision al-Arabya.
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Leur arrestation a été décidée quelques heures auparavant par un comité anti-corruption, créé à cette occasion par un décret royal. Il est présidé par le fils du roi Salman, le prince héritier Mohammed Bin Salman (MBS), l’homme fort du royaume et l’inspirateur de cette purge, aussi importante que rare dans un pays qui a longtemps privilégié les évolutions lentes aux changements brusques.
Le prince milliardaire Al-Walid ben Talal, propriétaire de l’hôtel George V à Paris, figurerait parmi les personnes arrêtées et qui font l’objet d’une enquête de la part de l’agence de lutte contre la corruption. Si la nouvelle était confirmée, il s’agirait d’une décision lourde de sens, frappant un personnage gravitant dans la sphère des investisseurs internationaux. L’ancien ministre des Finances Ibrahim al Assaf a également été interpellé. Des hommes d’affaires puissants, et liés parfois à des industriels français comme Baqr Ben Laden, auraient également été arrêtés.
Une source aéroportuaire a par ailleurs indiqué à l’AFP que les forces de sécurité avaient cloué au sol des avions privés à Jeddah, pour empêcher que certaines personnalités quittent le territoire. Il s’agit de «préserver l’argent public, punir les personnes corrompues et ceux qui profitent de leur position», a souligné l’agence de presse officielle SPA.
Dans le même temps, le roi Salman a relevé de ses fonctions le prince Mitaeb, ministre de la Garde nationale, le ministre de l’Economie Adel Fakieh, et le patron de la Marine nationale.
Pari risqué
Fils de l’ancien roi Abdallah, Mitaeb était le dernier des princes de la branche Abdallah à menacer MBS. La Garde nationale, que de nombreuses sociétés étrangères ont équipé pendant des décennies, était un puissant instrument de défense du pays, composée de ses principales tribus. Elle est passée dans l’orbite de MBS, l’homme derrière ce mini-tremblement de terre à la cour des Saoud.
Agé de 33 ans, Mohammed Bin Salman a déjà écarté le prince héritier Mohammed Bin Nayef de la course au trône. Le fils préféré du roi s’est lancé dans un ambitieux programme de transformation de l’Arabie saoudite. Transformation économique en misant sur l’après-pétrole. Mais aussi transformation sociale en autorisant l’année prochaine les femmes à conduire leurs voitures. Ou en déclarant la semaine dernière lors d’un sommet qui réunit des responsables de la finance mondiale à Riyad qu’il était temps de «moderniser l’islam». Une gageure dans un pays ultra conservateur où la famille Saoud doit partager certains pouvoirs avec les oulémas religieux. «Mais même cela, MBS semble vouloir le remettre en cause», analyse François Touazzi, expert de l’Arabie saoudite.
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Son pari est risqué. Il s’est fait de nombreux ennemis au sein de la famille régnante. Mais depuis bientôt trois ans que son père a succédé à Abdallah, MBS n’a cessé d’accaparer des pouvoirs.
Contrôlant les principaux leviers du gouvernement, de la défense à l’économie, Mohammed bin Salman semble chercher à étouffer les contestations internes avant tout transfert formel du pouvoir par son père, le roi Salmane, âgé de 81 ans. Dans le même temps, il a oeuvré pour renforcer son emprise politique sur le pouvoir, procédant notamment en septembre à une vague d’arrestations de dissidents, dont des religieux influents et des intellectuels.
Ce dimanche matin, le conseil des religieux a réagi sur son compte Twitter en affirmant que la lutte contre la corruption était «aussi importante que le combat contre le terrorisme». Et le cours de bourse du groupe d’Al-Walid ben Talal chutait de près de 10%.