L’annonce du soutien officiel du chef du courant du Futur Saad Hariri à la candidature du fondateur du Courant patriotique libre Michel Aoun ouvre la voie à une phase complexe, notamment au lendemain de l’élection présidentielle, période qui s’annonce d’ores et déjà parsemée d’embûches à plusieurs niveaux.
Dans les milieux proches de la Maison du Centre, on indique que désormais, et après moult tentatives effectuées par M. Hariri pour débloquer la présidentielle, la dernière étant l’aval apporté au candidat favori du Hezbollah, ce dernier n’a plus aucune excuse pour continuer d’accuser le chef du courant du Futur, encore moins l’Arabie, d’œuvrer à bloquer l’échéance. Ainsi, le parti chiite, qui n’a cessé d’affirmer que la route de Baabda passe inéluctablement par Rabieh et qu’il n’y aura pas de président autre que Michel Aoun, est mis au pied du mur.
La question est donc de savoir comment le Hezbollah, qui n’a jamais vraiment souhaité l’élection d’un chef de l’État, va réagir à la dernière initiative haririenne, sachant que le secrétaire général du parti devrait se prononcer à ce sujet demain dimanche, dans un discours très attendu par les deux camps politiques.
Entre-temps, une série d’interrogations taraudent les esprits, avec à leur tête celle de savoir si le parti chiite va paver la voie de Baabda à celui qu’il considère comme son candidat privilégié. L’on se demande également s’il va convoquer une réunion générale des leaders du 8 Mars qui regrouperait, outre M. Aoun et le chef des Marada Sleiman Frangié, le président du Parlement Nabih Berry, surtout que ce dernier a clairement fait savoir qu’il ne soutiendra pas le chef du bloc du Changement et de la Réforme et qu’il s’opposera même à son mandat.
De son côté, M. Frangié, qui a exprimé sa détermination à rester dans la bataille, n’a toujours pas accordé de rendez-vous à M. Aoun qui, selon des sources proches du 8 Mars, aurait souhaité se rendre à Bnechii.
Reste à savoir si le Hezbollah parviendra par ailleurs à convaincre M. Berry de revenir sur sa décision et d’élire M. Aoun, et à persuader M. Frangié de se retirer de la course à moins de décider de lui laisser une marge de manœuvre et la liberté de maintenir sa candidature.
L’autre question qui se pose est celle de savoir si le parti chiite demandera un report de quelques semaines de la séance électorale pour avoir suffisamment de temps pour régler les différends au sein même du 8 Mars, surtout qu’il s’est avéré que les députés du Baas et du PSNS, des alliés fidèles de la Syrie, vont plutôt soutenir M. Frangié que M. Aoun.
(Lire aussi : La séance du 31 octobre suspendue à un compromis Hariri-Hezbollah)
Des interrogations sont également soulevées au sujet de la phase qui succéderait à une élection de M. Aoun, qui semble désormais acquise.
En effet, c’est au lendemain de l’arrivée de ce dernier à Baabda que commenceraient les vrais problèmes, la période de la formation du gouvernement s’annonçant encore plus difficile, puisqu’il faudra alors s’entendre autour du package deal auquel le président de la Chambre avait souvent fait allusion, notamment le jour où il avait indiqué qu’une entente à ce sujet est le meilleur moyen d’entamer le nouveau mandat sans avoir à faire face à des entraves. Il avait alors fait remarquer qu’un accord préalable sur les dossiers épineux est nécessaire et affirmé que l’élection du président ne résoudra pas à elle seule la crise.
Force est de constater que l’accord qui a eu lieu entre la Maison du Centre et Rabieh a porté sur des lignes directrices générales, notamment sur la gestion de l’État et des institutions et sur les moyens de sauvegarder la Constitution et l’équation libanaises. Rappelons que des composantes principales de l’échiquier politique n’ont pas pris part à la genèse de cet accord, notamment Nabih Berry, le chef du PSP Walid Joumblatt et le Hezbollah. C’est ce qui a d’ailleurs poussé les milieux de M. Berry à dénoncer un retour au tandem politique sunnito-maronite, en réaction à l’accord conclu entre MM. Aoun et Hariri. Des sources proches de Aïn el-Tiné affirment que le chef du législatif ainsi que M. Joumblatt et d’autres décideurs politiques pourraient ainsi hausser le plafond en imposant des conditions pour la désignation de Saad Hariri comme Premier ministre chargé de former le gouvernement, sachant que le soutien du Hezbollah à la candidature de M. Aoun n’incluait pas la nomination du chef du courant du Futur à la tête de l’exécutif. Une telle démarche suppose nécessairement un dialogue avec le parti chiite, M. Hariri ne pouvant réintégrer le Sérail sans se plier à certaines conditions imposées par le Hezbollah. Or, celles-ci pourraient être rédhibitoires pour l’ancien Premier ministre à l’ombre de la situation régionale complexe qui prévaut.
Une certitude cependant : le duo chiite Amal et Hezbollah n’abdiquera pas certaines constantes telles que le soutien à la résistance et la préservation de ses armes, ainsi que l’équation peuple-armée-résistance accompagnée du tiers de blocage.
Autre obstacle en vue, celui de la répartition des portefeuilles ministériels, plus particulièrement les ministères dits souverainistes ou principaux convoités par le tandem chiite, tels les Finances, l’Énergie et les Télécommunications, sans oublier d’évoquer l’appétence des deux formations pour des postes sécuritaires et pour la gouvernance de la Banque du Liban. Les protagonistes devraient également s’entendre sur deux questions sensibles telles que la distanciation du Liban par rapport à la guerre en Syrie et les armes du Hezbollah. Bref, autant d’entraves qui pourraient inciter le parti chiite à demander un report de l’élection afin de pouvoir obtenir les garanties nécessaires sur toutes ces questions, exactement comme cela avait eu lieu à Doha, à l’occasion de l’entente globale conclue en prévision de l’élection de Michel Sleiman.