La dynamique enclenchée par Saad Hariri autour de la présidentielle n’a eu que des effets positifs, même si les chances d’un déblocage restent minimes dans les conditions actuelles. Non seulement elle a relancé les pourparlers autour d’un dossier qu’il devenait nécessaire de dépoussiérer, mais elle a surtout amené toutes les parties, ou presque, à mettre leurs cartes sur la table, tout en montrant que le blocage ne se situe ni au niveau du courant du Futur ni à celui du 14 Mars.
Qu’il s’agisse d’une manœuvre ou pas, les efforts haririens pour briser le blocage et hisser le chef du CPL, Michel Aoun, à la tête de l’État ont montré que ce dernier est loin de faire l’unanimité, au point que le président de la Chambre, Nabih Berry, n’a pas hésité à affirmer dans les colonnes d’as-Safir que « tous ceux avec qui Saad Hariri s’était dernièrement entretenu ont soit exprimé des réserves au sujet de l’élection du « général », soit fait part de leur opposition à cette option ». Le seul à ne pas avoir abattu ses cartes reste le Hezbollah, l’allié chiite du général Michel Aoun, qui, tout en affirmant soutenir la candidature de ce dernier, ne fournit aucun effort pour s’associer à la dynamique engagée afin d’ouvrir à Aoun la voie de Baabda et en finir ainsi avec la paralysie qui frappe pratiquement l’ensemble des institutions constitutionnelles. M. Aoun reste cependant confiant dans l’appui de son allié. Il l’a réaffirmé hier durant son interview à l’OTV au cours de laquelle il s’est montré conciliant, se refusant de commenter les propos du président de la Chambre à son égard, en les présentant comme étant de « la littérature de journaux ».
Dans les milieux proches du courant du Futur, on relève que la mission Hariri a montré que le parti de Hassan Nasrallah souhaite maintenir les choses en l’état, tant que la situation dans la région demeure inchangée.
Retour à la case départ pour la présidentielle ? Pas nécessairement, réplique-t-on dans ces milieux. C’est que l’action menée par Saad Hariri devrait marquer l’ouverture d’un nouveau chapitre dans le dossier de la présidentielle. Une sorte de plan B qui pourrait bien être concocté avec les puissances régionales et internationales directement concernées par le dossier libanais.
Avant de s’envoler pour Moscou où il a eu un entretien avec le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, Saad Hariri avait fait un crochet par Riyad où il a été reçu par le prince héritier saoudien, Mohammad ben Salmane ben Abdel Aziz. Il doit également se rendre en Turquie, au moment où la coordinatrice spéciale de l’Onu pour le Liban Sigrid Kaag rentrait de Téhéran, où elle a essayé de convaincre les dirigeants iraniens que l’élection d’un président est « cruciale » au Liban. Mme Kaag devrait également se rendre en Arabie saoudite.
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De sources proches de ce ballet diplomatique, on croit savoir que ces discussions portent sur de nouvelles idées pour briser le blocage présidentiel. Celles-ci tournent de nouveau autour du choix d’un candidat qui ne ferait pas partie du groupe des quatre, établi à Bkerké, à savoir Michel Aoun, Sleiman Frangié, Samir Geagea et Amine Gemayel. Les quatre deviendraient alors « les » grands électeurs, avec Saad Hariri, Walid Joumblatt, Nabih Berry et même le Hezbollah. De mêmes sources, on fait remarquer que l’insistance du président de Nabih Berry à lier l’élection du général Aoun à un package deal incluant principalement la loi électorale et la composition du gouvernement visait à compliquer l’accès de ce dernier à Baabda. Ce package deal n’aura plus de raison d’être à partir du moment où une entente se fera autour d’un troisième candidat. Mais on n’en est pas encore là.
Outre la présidentielle, les efforts se concentrent sur une redynamisation du gouvernement – qui doit se réunir demain pour poursuivre l’examen d’un ordre du jour ordinaire – et du Parlement, dont la session ordinaire s’ouvrira la semaine prochaine. Si le CPL ne s’est pas prononcé sur sa participation aux réunions des deux instances, des sources aounistes indiquent que ce courant est soucieux d’éviter toute attitude ou action négative afin de donner toute sa chance à l’action menée par Saad Hariri. Du moins jusqu’au 13 octobre, date qu’il s’était fixée depuis près d’un mois pour exprimer, dans la rue, son opposition à la façon avec laquelle des dossiers aussi importants que la présidentielle ou les nominations sécuritaires sont gérés. Pour le CPL, il s’agit d’une date butoir. Le recours à la rue est toujours envisagé par le courant de Michel Aoun, s’il juge que les efforts pour débloquer la présidentielle ne sont pas sérieux.