Selon l’un des pôles des instances économiques, une réunion aurait eu lieu il y a quelque temps en Europe entre le gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé, et un responsable occidental, focalisée sur la situation économique et financière du Liban, sur base des craintes quant à la stabilité économique du pays à l’ombre de la vacance présidentielle qui règne depuis plus de deux ans et demi et de l’escalade aouniste, perceptible notamment à travers le boycott par les ministres du Courant patriotique libre (CPL) des réunions du Conseil des ministres.
Voilà qu’il est désormais question d’une montée graduelle dans le ton de la part des ministres aounistes jusqu’au 13 octobre, date à laquelle le CPL devrait prendre une position politique « sans précédent », pour reprendre les propos d’un député de cette formation.
Ces nouvelles données n’ont pas été sans susciter des craintes en Occident d’un effondrement de la stabilité au Liban, considérée comme une ligne rouge à ne pas franchir. Il est en effet interdit de soumettre le pays à de graves dangers, à l’heure où la région tout entière est en flammes. Mais le gouverneur de la BDL a rassuré ses interlocuteurs quant à la situation financière, qu’il a qualifiée d’excellente, faisant état d’une stabilité de la livre, en dépit d’une situation économique qui piétine du fait de la crise politique. Il n’y a pas lieu de s’inquiéter, a-t-il précisé, mais la situation pourrait empirer si les responsables politiques ne s’entendent pas sur l’élection d’un président de la République, la redynamisation des institutions étatiques et la relance de l’administration à tous les niveaux.
Des sources diplomatiques expriment, dans ce cadre, des craintes concernant la situation au Liban si jamais ce pays persiste à se maintenir sous l’influence du conflit régional et prisonnier des développements en Syrie. D’autant qu’il s’est avéré que certaines composantes libanaises persistent à lier l’échéance à des dossiers extérieurs sans accorder d’attention aux dangers que comporte le maintien du vide présidentiel. Il suffit de constater, pour s’en rendre compte, la situation de pourrissement à tous les points de vue et de multiplication des scandales dans les différents secteurs, avec d’incessantes querelles autour du partage du gâteau… au point que l’expression failed state (État failli) revient de plus en plus sur toutes les lèvres.
Des milieux politiques font état d’un retour de certains secteurs productifs à la rue pour des mouvements de revendication et inciter les responsables à bouger et à mettre fin au chaos et à la confusion qui règnent dans le pays. Des milieux syndicaux précisent à ce sujet que ce qui a été fait dans la rue n’est que le début et que la situation pourrait empirer dans les prochaines semaines et dégénérer en un vaste cri populaire contre l’administration et les responsables. Un autre cri devrait également se faire entendre le 29 septembre, lancé cette fois par les instances économiques dans le cadre d’une conférence de presse. Encore une mise en garde, et peut-être aussi l’annonce d’une dynamique initiée par ces instances pour exprimer leur ras-le-bol quant à la situation actuelle.
Face à cette agitation, des sources politiques expriment leur crainte que la rue ne se transforme de nouveau en boîte aux lettres pour un échange de messages entre les parties politiques, ce qui mettrait la stabilité du pays en danger, quand bien même les instances économiques seraient les premières à ne pas vouloir mettre en péril la scène locale. Toutes les possibilités seraient ainsi à l’étude, indique l’un des pôles des instances économiques, où deux points de vue se sont manifestés : le premier estime que les temps ne sont pas propices à une quelconque dynamique à l’ombre de la vacance présidentielle. Contre qui diriger le mouvement de protestation à l’heure où le Premier ministre Tammam Salam reconnaît lui-même l’échec de son gouvernement paralysé, qui s’est presque transformé en cabinet d’expédition des affaires courantes ? Selon le deuxième point de vue, une initiative est incontournable pour briser le statu quo actuel, faute de quoi le pays va lentement et sûrement vers une mort annoncée. Le but serait donc de susciter un choc qui ferait entendre la voix des instances économiques et qui pourrait influer sur le déblocage de l’élection présidentielle, porte d’entrée vers le salut. Selon les tenants de cette deuxième thèse, le 29 septembre courant sera jour de sit-in économique devant la Chambre de commerce et d’industrie. Un sit-in d’un quart d’heure, accompagné de mouvements similaires dans les différentes régions du pays, et d’un communiqué puissant qui sera distribué. Après quoi les instances évalueront les réactions à leur dynamique pour préparer leur prochaine démarche.
Il est également question d’un autre sit-in, à la place du premier, devant les sièges de certaines personnalités politiques, notamment celles qui boycottent les séances électorales, pour les inciter à se rendre à la Chambre et à y accomplir leur devoir constitutionnel et à élire un président de la République. Les instances économiques jugent en effet complètement inacceptables les arguments avancés pour justifier le boycott des séances, estimant qu’il s’agit là d’une usurpation du mandat impératif dont les députés sont revêtus. Il est inadmissible, disent-elles, que quelques individus jouent ainsi avec le sort de tout un pays, soulignant qu’il est grand temps d’initier un groupe de pression suffisamment persuasif pour sauver le pays et faire élire un nouveau chef de l’État.