Oui, il s’agit bel et bien de l’honneur du christianisme en Orient, qui est en jeu au milieu de cette bourrasque de violences et de l’instrumentalisation de la présence des chrétiens orientaux sur les terres de leurs ancêtres.
14 mai 2015, vers 14 :30. La chaîne libanaise MTV passe, en scoop et en avant-première, deux courts extraits des vidéoclips, enregistrés en cachette, montrant le conseiller du président syrien Bachar el-Assad, le Libanais ex-ministre Michel Samaha. Dans le deuxième extrait, le terroriste, d’un geste impérial, ordonne à son interlocuteur et homme de main d’éliminer tout le monde, de préférence tous les sunnites des régions où les attentats terroristes devaient avoir lieu : Tripoli, Akkar, Denniyé. Nous avons entendu une courte phrase qui n’est plus réapparue, par après, sur aucune autre chaîne et qui, dans la logique des criminels, justifie l’élimination de tant de « sunnites ». Le terroriste Samaha dit à son homme de main : « Hier, ils ont attaqué un quartier chrétien à Alep. » Comme si, attaquer un quartier chrétien d’Alep pouvait servir de justificatif aux attentats à grande échelle contre des musulmans sunnites du Liban. Ces propos étaient prononcés par un homme de haute éducation, parfaitement francophone, sachant converser en public, mondain et capable de civilités exquises. Et pourtant, ce que nous étions en train de voir et d’entendre révélait, à tout le moins, un lamentable criminel de bas étage, un traître, un félon, un agent crapuleux à la solde d’une puissance étrangère et un exécuteur des basses œuvres de ses maîtres de Damas.
Il est inutile de tourner autour du pot. Ces extraits prouvent, s’il en est encore besoin, jusqu’où peut mener la haine inassouvie du minoritaire. Au fond, ce que nous avions en face de nous, aux allures de petit parrain mafieux, n’était rien d’autre qu’un minable représentant de cette Alliance des minorités, outil stratégique entre les mains des mollahs de Téhéran dans leur projet d’hégémonie impériale de l’Iran. Cette Alliance des minorités recoupe cependant la vision communautaire du patriarcat de Moscou qui fait l’impasse sur la pierre angulaire de l’ecclésiologie traditionnelle, à savoir le principe de territorialité. Pour Moscou, il y a symétrie entre identité nationale et ecclésiale. Pour Constantinople, fidèle à la tradition gréco-latine, une telle approche est inconcevable.
L’assemblée ecclésiale est vue comme une communauté en un lieu précis et non comme une communauté liée à une identité collective indépendamment du lieu lui-même.
Il s’agit là d’un point de litige qui oppose, depuis toujours, Moscou et Constantinople, ou l’orthodoxie slavo-moscovite et l’orthodoxie méditerranéenne. C’est ce point précis qui empoisonne les relations entre Constantinople et Moscou, beaucoup plus qu’entre Constantinople et Rome.
Les films inouïs que nous avons vus et entendus montrent la vraie nature de cette Alliance des minorités sponsorisée par Damas et Téhéran. Il s’agit d’un pacte de haine passé avec le diable en personne. L’antisunnisme primaire, sous prétexte de peur du daechisme, est son slogan. Les réseaux du crime organisé sont ses outils. Le terrorisme aveugle est son unique arme.
On veut nous faire croire qu’un tel pacte avec le mal est de nature à assurer la pérennité du christianisme en Orient. Ces films révèlent une opération de défiguration du témoignage chrétien. Les chrétientés du Levant se révèlent comme autant de petits groupes fermés sur eux-mêmes, essayant coûte que coûte de maintenir closes les portes qui les séparent de l’hostilité du vaste monde extérieur. La parole chrétienne elle-même est devenue une tribune de la haine.
L’Alliance des minorités est une supercherie. Au sein de ce réseau, composé de chiites, de chrétiens et d’alaouites, on se partage les rôles. Le chrétien exprime la haine du sunnite, une haine qui n’est pas la sienne mais celle de ses deux autres complices. Il parcourt le monde en faisant croire que ce qui se passe au Levant est une campagne d’extermination des chrétiens alors que c’est l’homme lui-même qui est en danger. Quant au alaouite, il ne dit mot sur la haine féroce qu’il voue au sunnite mais parle au nom d’une « laïcité » qui lutte contre les bandes armées de l’islamisme politique (sunnite). Le troisième larron de la bande, le chiite duodécimain, se fait fort de ne rien dire sur son désir de réécrire l’histoire en faisant subir aux sunnites qu’il déteste une défaite cuisante qui vengerait le massacre de l’imam Hussein à Kerbala. Au contraire, son discours est celui de la résistance à Israël, à la mondialisation néolibérale voire au complot d’un Occident dans lequel on retrouve, côte à côte, les Américains, l’Union européenne, Israël et les pays des pétrodollars qui regorgent de salafistes-takfiristes. Ainsi, le salafisme est combattu non parce qu’il est sunnite mais parce qu’il fait partie du complot ourdi contre la Résistance.
Dans cette affaire, c’est le groupe chrétien-minoritaire qui est le dindon de la farce. Il se laisse dépouiller de son honneur et accepte le rôle peu glorieux d’exprimer la haine de l’autre, qui n’est même pas la sienne.
L’honneur du christianisme a été exprimé par un tweet du pape François le dimanche 17 mai : « Mieux vaut une église blessée mais présente sur le chemin, qu’une Église malade parce que fermée sur elle-même. »
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Beyrouth
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