Par Alain Barluet
VIDÉO – Le ministre de la Défense, qui a multiplié depuis 2012 les visites et les contacts dans les pétromonarchies, participe, ce lundi matin à Doha, aux côtés de François Hollande, à la signature du contrat pour la vente de vingt-quatre avions Rafale au Qatar.
Envoyé spécial à Doha
Il a déjà repris son bâton de pèlerin et l’avion qui, depuis son arrivée au gouvernement, en mai 2012, le mène une fois par mois en moyenne dans les pays du Golfe. Sans attendre la signature du contrat Rafale (*) au Qatar, à laquelle il participe, ce lundi matin, aux côtés de François Hollande, Jean-Yves Le Drian était dimanche à Abu Dhabi. L’émirat se montre intéressé, lui aussi, par l’avion de chasse français. C’était la quatorzième rencontre entre le ministre de la Défense et le souverain d’Abu Dhabi, le prince héritier cheikh Mohammed Bin Zayed al Nahyan. Quant à Doha, le Breton s’y est déjà rendu une dizaine de fois.
Cette longue liste de déplacements, digne du livre des records, ne constitue qu’un des aspects de la «méthode» Le Drian. Grâce à elle, la France a obtenu, en moins de trois mois, trois contrats majeurs, avec l’Egypte, le Qatar et l’Inde même si ce dernier est toujours en cours de négociation. Une recette dont les ingrédients sont la confiance, le temps, le souci de ne pas mélanger les genres entre le politique ceux qui négocient, une attention marquée aux besoins spécifiques du partenaire, sans oublier une grande discrétion sur le déroulement des discussions.
«Mon rôle n’est pas de vendre mais de créer la confiance, ce qui ne se décrète pas mais se construit dans la durée»
«Je ne négocie pas. Mon rôle n’est pas de vendre mais d’abord de nouer un partenariat stratégique, de dégager les analyses et les intérêts communs, de créer la confiance, ce qui ne se décrète pas mais se construit dans la durée», affirme Jean-Yves Le Drian. «Si mes interlocuteurs manifestent un intérêt pour telles ou telles capacités, alors ce sont les industriels qui interviennent pour définir le contrat et négocier les prix. Je reviens éventuellement ensuite, si besoin, pour mettre mon grain de sel», ajoute-t-il.
«Si le politique ne doit pas s’immiscer dans les questions de prix, il faut en revanche une forte connexion entre le niveau technique et le niveau étatique», précise une bonne source. Ne serait-ce que pour fixer des lignes rouges, lorsque c’est nécessaire.
Le ministre et sa délégation veillent à ménager la susceptibilité des monarques du Golfe. «Il faut se rendre dans un seul pays à la fois et veiller à passer la nuit sur place», souligne-t-on. Une façon de traiter chaque partenaire sur un pied d’égalité. L’important, c’est d’être dans «la confiance, la durée, pas dans l’insistance ou le proclamatoire», dit Jean-Yves Le Drian. S’il estime que sa démarche s’inscrit clairement en rupture avec le quinquennat précédent, il se garde néanmoins de critiquer Nicolas Sarkozy.
«Vous êtes le pont entre nos deux pays»
Cheikh Tamim ben Hamad al Thani,émir du Qatar
«Les relations personnelles sont essentielles», insiste-t-il. Au fil des rencontres, il a appris à connaître les monarques qu’il tutoie même parfois – «lorsqu’on parle de foot», sourit-il. Avec le président égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, qu’il a convié à dîner l’an dernier à l’Hôtel de Brienne, le courant passe. De même avec le francophone et francophile émir du Qatar, cheikh Tamim ben Hamad al Thani. Cette proximité doublée d’une présence intensive sur le terrain lui ont ouvert des opportunités. En février, à Abu Dhabi, alors qu’il visite Idex, le plus grand salon de défense et d’armement du Moyen-Orient, le ministre croise le prince héritier. Leur rencontre, qui devait être brève, s’est poursuivie durant plus d’une heure sur le stand français. «Vous êtes le pont entre nos deux pays», lui a confié le dirigeant émirati en l’accueillant dimanche.
Les succès engrangés ne tiennent pas au seul ministre, loin s’en faut. Les industriels, les diplomates, les ingénieurs de la Direction générale de l’armement (DGA), les militaires de l’Armée de l’air sont également très actifs. Son rôle est de «veiller à l’intégration de l’équipe France», insistent ses conseillers. «Avoir derrière soi la force d’une administration est très important», relève-t-on.
D’autres facteurs concourent bien évidemment à cette dynamique: les qualités technologiques de capacités éprouvées au combat, la demande des Etats dans une région en proie aux fortes tensions… «Sur les questions cruciales pour ces pays, le nucléaire iranien ou la Syrie, la France a eu des positions permanentes et claires», fait valoir une source diplomatique. Mais ce passionné de cyclisme a su se rendre indispensable en tête de peloton. Lundi après-midi, Jean-Yves Le Drian s’envolera de Doha pour New Delhi. Sa cinquième visite en Inde.