Cet article est la conclusion d’une étude intitulée « Le massacre de Houla en Syrie, étape délibérée d’une stratégie assumée« . Elle visait à faire la lumière sur les auteurs et les responsables du drame – l’assassinat de sang-froid de plus de 100 personnes, parmi lesquelles une cinquantaine d’enfants de moins de 10 ans et une trentaine de femmes – dont le village de Taldou, à Houla, avait été le théâtre, vendredi 25 mai 2012. Cette opération s’inscrivait dans une stratégie formellement niée mais implicitement assumée par le pouvoir syrien.
La première partie de cette étude :
1 / Visite des lieux
2 / Déroulement des faits
3 / Imputation du massacre
est accessible ici.
La seconde :
4 / Version officielle des évènements
5 / Analyse critique du discours officiel
6 / Rappels concernant l’ASL
l’est ici.
La troisième :
7 / Le drame de Houla selon Bachar Al Assad
8 / Fabrication et manipulation des terroristes par le régime syrien
Le recrutement et l’envoi de moujahidin en Irak
La création du Fatah Al Islam et la formation de terroristes du Golfe
9 / Manipulation des islamistes en Syrie
l’est ici.
La quatrième :
10 / Al Qaïda en Syrie, atout et instrument du régime
11 / Théorie de la 3ème force et émancipation des « terroristes islamiques »
12 / L’industrie des kamikazes et des victimes d’attentats en Syrie
La fabrication des kamikazes
L’industrie des victimes d’attentats
l’est ici.
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CONCLUSION :
Vers la constitution d’une zone de repli dans la montagne alaouite
En dépit des dénégations du régime, dont les agissements et le jeu avec le terrorisme contribuent depuis des mois à discréditer tout discours, la véritable question posée par la tuerie de Houla est moins celle de savoir si ce sont des chabbiha qui ont commis ce terrible forfait, que de découvrir s’ils ont agi à cette occasion de leur propre initiative ou s’ils se sont conformés à des ordres. Inconsciemment, dans la première hypothèse, et en connaissance de cause, dans la seconde, ils ont en tout cas apporté leur pierre à la réalisation d’un projet dont il n’est pas certain qu’ils aient une perception claire des tenants et aboutissants, projet qui justifie, dans l’esprit du régime, le recours aux comportements les plus abjectes contre une partie de sa population.
Ceux qui plaident pour l’initiative, qui donnerait alors au massacre une simple dimension « locale », expliquent que, grisés par le rôle qui leur a été abandonné depuis des mois dans la répression par les responsables politiques, militaires et sécuritaires, les chabbiha ont commencé ici et là à agir de manière autonome. N’ayant pas trouvé face à eux, jusqu’à une date récente, de véritables adversaires, puisque les révolutionnaires n’avaient pas, avant la création de l’Armée Syrienne Libre, les moyens de s’opposer à l’expression de leur force brutale, les chabbiha ont retrouvé leurs vieilles habitudes : ils s’en prennent d’une part à qui ils veulent dans leur entourage au gré des circonstances, et ils décident seuls d’autre part de l’opportunité de telle ou telle opération.
On sait – ou on sait pas… – que, pour leur faire entendre raison, autrement dit pour les ramener à une juste appréciation de leur place et de leur condition, Basel Al Assad, héritier présomptif, s’était vu contraint à la fin des années 1980 et au début des années 1990, de faire la guerre à ces voyous, recrutés et utilisés par certains de ses cousins de la famille Al Assad pour leurs activités mafieuses. L’embauche dans l’armée et les services de sécurité de quelques uns de leurs chefs, puis la libéralisation du commerce qui a offert un cadre légal à leurs activités jusqu’alors délictieuses, ont contribué, durant la première décennie des années 2000, à les maintenir dans un calme relatif. Mais, sollicités à Lattaquié et dans sa région pour faire entendre raison aux manifestants, dès le mois de mars 2011, ils ont relevé la tête et retrouvé en quelques jours leurs mauvaises habitudes. A l’été de la même année, ils estimaient ainsi avoir le droit de décider par eux-mêmes des moyens et de la forme de leurs interventions, quitte à s’opposer frontalement aux officiers des moukhabarat chargés d’assurer leur contrôle et leur rémunération.
Ceux qui plaident pour l’instrumentalisation, donc pour une opération planifiée et pilotée par la tête du régime, estiment, sans oser le dire franchement, que les responsables syriens qui connaissent mieux que quiconque les limites et la dangerosité de ces wouhouch, ces « bêtes sauvages » comme ils se désignent eux-mêmes avec fierté, n’ont pas pris le risque de leur faire connaître dans le détail les objectifs et la finalité d’opérations dans lesquelles ils interviennent, à Houla comme à Qbeir, à Salma comme à Al Haffeh, en tant que simples exécutants. Ils peuvent craindre en effet que, reprenant l’affaire à leur compte, les chabbiha tentent dans les différentes régions de la mener à leur rythme et à leur manière.
Depuis des mois, certains au sein du régime syrien estiment qu’il serait prudent de préparer, à l’intention des hauts responsables et des membres de la communauté alaouite, un lieu dans lequel ceux-ci pourraient trouver refuge, au moins à titre provisoire, au cas où la situation leur échapperait et où le conflit prendrait une tournure inter-communautaire. Minoritaires au sein de la population, les alaouites se sont en effet exposés à la colère de la majorité sunnite et à l’incompréhension de minorités ethniques comme les Kurdes et les Assyriens, en se rangeant pour la plupart du côté du pouvoir, en se comportant comme des mercenaires à sa solde, et en se livrant sur les manifestants et les populations à des exactions que les organisation de défense des Droits de l’Homme n’en finissent pas de dénoncer. Il est vrai que, au péril de leur vie, des hommes et des femmes de la communauté alaouite ont pris le parti de leurs frères syriens contre le régime. Mais l’admiration que leur comportement suscite ne permet pas de dissimuler le fait que, en application du plan diabolique conçu par le clan Al Assad pour compromettre les membres de sa communauté en les implicant dans la répression et les massacres, une majorité d’alaouites, militaires, moukhabarat et chabbiha, ont fait une majorité de victimes parmi la population sunnite.
Après s’être contentés, durant des mois, d’encaisser sans répondre autrement que par des slogans et par une radicalisation de leur revendications, les révolutionnaires se sont dotés, au début de l’été 2011, d’une force de protection sous la forme de l’Armée Syrienne Libre. Alors que la révolution et son corollaire, la répression, entrent dans leur 16ème mois, on ne peut exclure, en dépit des appels sans cesse renouvelés à conserver à la contestation son caractère de mouvement pacifique, unitaire et non-confessionnel, que des dérapages aient lieu et que, l’ASL optant pour une stratégie plus agressive pour mettre fin aux tueries, la Syrie devienne bientôt le champ d’affrontement entre sunnites et alaouites que tout le monde – à la notable exception du régime – redoute. Il sera alors temps pour Bachar Al Assad et les siens de gagner le refuge qu’ils se sont préparé.
Ce bastion sera évidemment la zone côtière, qui s’étend sur une centaine de kilomètres entre Tartous, au sud, et Lattaquié, au nord, sur une profondeur d’une cinquantaine de kilomètre vers l’est, au maximum. Berceau de la famille Al Assad au pouvoir depuis 1970 et d’une grande partie de la hiérarchie de son appareil militaro-sécuritaire, cette région présente un certain nombre de caractéristiques qui sont, dans les circonstances actuelles, en majorité des atouts.
Certes, sa population n’est pas homogène. Mais les alaouites qui y sont majoritaires ont les moyens de s’y comporter comme ils l’entendent, puisqu’ils disposent de la force des armes, du contrôle de l’armée, des moukhabarat et des chabbiha. Pour la défendre et en interdire l’accès, ils savent pouvoir compter, si ce n’est sur l’aide, du moins sur la neutralité des chrétiens et des ismaéliens, qui y constituent, les premiers à Tartous et Lattaquié, les seconds dans les agglomérations de Qadmous et Masiaf, de fortes minorités.
La région dispose de ressources limitées et ses infrastructures industrielles sont hétérogènes, créées davatange pour répondre aux intérêts de proches du régime qu’aux besoins de la population ou de l’économie locale. Mais, dans la plaine littorale et sur les hauteurs l’agriculture se développe et les ressources en eau n’y sont pas pires que dans la majorité des autres régions de Syrie. Le tourisme, dont les revenus sont directement liés aux conditions de sécurité, y est évidemment en berne, mais la région abrite les deux uniques ports du pays.
Délimitée à l’est par les hauteurs du Djebel Ansariyeh, d’où l’on domine l’Oronte et la plaine du Ghab, la région est aisément défendable, surtout dans sa partie nord. Elle dispose d’un accès par le sud, relativement ouvert, et deux entrées secondaires, plus mal commodes, l’une au centre, via la ville de Masiaf, l’autre au nord, via la région d’Idlib.
Elle dispose d’une sorte de prolongement naturel vers le sud, dans le nord Liban où réside une forte minorité d’alaouites. Ces derniers sont également nombreux dans le Sanjak d’Alexandrette, sur lequel la Syrie a affecté d’oublier ses légitimes revendications aussi longtemps que ses bonnes relations avec la Turquie l’exigeaient.
Enfin, cette région pourrait trouver une sorte de prolongement en direction de l’est dans la zone frontalière avec la Turquie sur laquelle le Parti de l’Union Démocratique en Syrie, la branche syrienne de l’ancien Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK) d’Abdollah Ocalan, met en oeuvre depuis le début de la crise, avec la bénédiction des autorités syriennes, les instruments d’une gestion autonome.
Les attentions ont été attirées sur le projet en question, au mois de janvier 2012, par l’ancien vice-président Abdel-Halim Khaddam. Exilé en France à la fin de l’été 2005, ce compagnon de la première heure de Hafez Al Assad a maintenu de bonnes relations avec des dizaines de hauts responsables de son pays appartenant aux cercles du pouvoir, à la direction du Parti Baath, au commandement des forces armées et à la communauté alaouite, qui n’a jamais vu dans ce sunnite natif de Banias un ennemi. Ils désapprouvaient comme lui, mais sans être en mesure de le dire et de s’y opposer davantage, l’accession de Bachar Al Assad à une présidence qui ne lui revenait pas, et pour laquelle il ne disposait, selon eux, ni de l’âge, ni de l’expérience, ni des qualités requises. Depuis la dénonciation du régime dont il avait auparavant été l’un des piliers, à la fin de l’année 2005, l’ancien apparatchik a veillé à conserver avec le Baath, les chefs de l’armée et les cheykhs alaouites les meilleures relations possibles. Depuis le début du soulèvement populaire, il a multiplié à leur adresse les appels à « abandonner le régime pour rejoindre le peuple » (l’un de ses appels à l’armée figure ici, l’une de ses invitations aux alaouites est accessible là).
Dans un entretien au Figaro, publié le 25 janvier 2012, il affirmait : « Bachar et son clan ont d’abord distribué des fusils et des mitraillettes dans les villes et les villages peuplés par leurs compatriotes alaouites. Depuis un mois, ils ont aussi commencé à transférer les armements lourds de l’armée, par la route, vers le littoral, en les dissimulant sur les collines et les hauteurs ». Il ajoutait : « Les missiles et les armes stratégiques ont déjà intégralement été transférés. Les tanks et l’artillerie, en partie seulement, car le régime a besoin d’en garder pour assurer la répression contre les manifestants dans les villes. Bachar a également prévu d’envoyer ses avions de chasse sur l’aéroport de Lattaquié ». Et il expliquait : « Le président syrien a changé de tactique. Pendant longtemps, il a essayé d’envahir les villes et de bloquer les insurgés. Mais cela n’a pas marché. Il applique donc aujourd’hui un autre plan, qui vise à créer une guerre de religion, une guerre interconfessionnelle. Je sais qu’il y a un mois, il s’est confié à l’un de ses affidés libanais et lui a dit son intention de créer un État alaouite d’où il pourrait mener une guerre fratricide et confessionnelle. Il est désormais prêt à créer sa république personnelle. Il envisage de s’installer à Lattaquié. Je suis sûr qu’il existe suffisamment d’abris souterrains où lui et son clan pourraient se replier ».
Le 8 avril, il considérait que « la création d’un Etat des Alaouites est devenue une quasi-certitude » et il précisait qu’il « comprendrait les deux gouvernorats de Lattaquié et Tartous, sur la côte, la ville de Homs et une partie de son gouvernorat, les campagnes situées à l’ouest de Hama et le sud-ouest du gouvernorat d’Idlib ». Il y a quelques jours, le 9 juin, il adressait un « dernier message aux membres de la communauté alaouite« . Prédisant la « chute prochaine du régime », il regrettait que « ses appels antérieurs à sauver ce qui pouvait l’être n’aient pas été entendus » et que, « au lieu de se tenir à distance des meurtres, des destructions et des pillages, les alaouites se soient laissés entraîner par Bachar Al Assad dans la guerre qu’il mène au peuple syrien ». Il s’étonnait que, « à défaut d’éprouver de la tristesse et d’exprimer leur réprobation pour les massacres commis au cours des dernières semaines, les alaouites n’aient pas compris que leur silence hypothéquait sérieusement leur avenir et qu’ils s’exposaient fatalement à des représailles sévères ». Toutefois, « il leur restait une dernière chance mais ils devaient faire vite. Ils devaient annoncer qu’ils se désolidarisaient de Bachar Al Assad et de son régime. Ils devaient appeler les alaouites exerçant au sein des forces armées à se rebeller et à rejoindre la révolution pour mettre un terme au bain de sang ».
L’observation de ce qui se déroule sur le terrain depuis le début des évènements montre que le régime n’a jamais écarté l’idée, au cas où sa situation deviendrait périlleuse à Damas, de chercher refuge dans la zone côtière. Après tout, Hafez Al Assad y avait lui-même pensé lorsqu’au plus fort de la contestation avec la société civile et les Frères Musulmans, au début des années 1980, il avait ordonné d’ouvrir, à Lattaquié, la seule succursale dans le pays de la Banque Centrale de Syrie. Les opérations menées, à l’intérieur du quadrilatère délimité par les villes de Tartous, Lattaquié, Idlib et Homs, contre les agglomérations dont les populations sont à majorité sunnite, montrent qu’elles participent d’une volonté de chasser par la terreur ou par le meurtre le plus grand nombre possible de leurs habitants. Il s’agit, à l’intérieur de la zone de repli proprement dite, qui recouvre les deux gouvernorats de la côte, de diminuer la menace constituée par la présence des sunnites et de dégager de la place pour les alaouites et les autres fidèles du régime qui auraient besoin de s’y réfugier. Il s’agit, plus à l’Est, mais également au Sud et au Nord, de sécuriser le maximum de voies d’accès à ce futur ghetto et de lui donner, à titre préventif, la plus grande extension possible.
On comprend dans ces conditions la vigueur avec laquelle les services de sécurité ont réagi, dès les premiers jours de la contestation, au mouvement de protestation déclenché à Lattaquié, à Banias et à Jableh, le « Vendredi de la Dignité » (25 mars 2011). Il n’était nullement hostile aux alaouites. Mais il se présentait déjà comme une menace pour l’emprise du régime sur la région. On comprend également le recours aux canons de marine pour pilonner et faire fuir, au milieu du mois d’août, la population du quartier de Raml Filastini, qui, créé pour accueillir des réfugiés palestiniens, en était venu au fil du temps à héberger des déplacés sunnites en provenance du gouvernorat d’Idlib et d’ailleurs. On comprend, aujourd’hui, la violence de la répression exercée sur Al Haffeh, qui est – ou qui était jusqu’à cette opération – la principale agglomération sunnite du nord du Jebel Ansariyeh. Située sur la route de Lattaquié à Slanfeh, elle permet d’accéder à la vallée du Ghab, offrant une alternative à l’autoroute qui relie depuis quelques années Lattaquié à Alep via Jisr Al Choughour.
On comprend également, à la périphérie de la région, la nécessité de reprendre aux insurgés et de vider de sa population la ville de Tall Kalakh, seule agglomération sunnite d’importance sur la frontière séparant le Liban de la Syrie. Située à quelques kilomètres au sud de l’autoroute qui, depuis la capitale, conduit au réduit et donne accès, en provenance de Homs, au nord du Liban, elle contrôle, elle facilite ou elle entrave la circulation vers Tartous et Lattaquié. La région de Houla, et plus précisément la ville de Taldou, entre Homs et les contreforts du Jebel Hélou, contrôle la route qui, via Masiaf et Qadmous, permet d’accéder à Banias, sur la côte, à mi-chemin entre les deux gouvernorats. Quant à la ville de Homs, où la reprise et la destruction de Baba Amr désormais vidé de sa population n’ont pas mis fin aux combats, sa possession est essentielle. Qui la tient possède la clef de la Syrie centrale et est en mesure d’isoler l’une de l’autre Damas et Alep. C’est ce qui explique la disposition du régime, si l’on en croit une récente confidence d’un officier supérieur syrien, à « raser la totalité de la ville jusqu’à ses fondations ». Après tout, sa reconstruction offrira l’opportunité de réaliser le fameux « Rêve de Homs », cher à l’ancien gouverneur Iyad Ghazal, et de sélectionner ses nouveaux habitants.
On n’affirmera pas que, en partant exercer une vengeance réelle ou supposée contre les habitants de Houla, les alaouites des villages environnants avaient conscience de travailler à la réalisation de ce plan. En revanche, on peut affirmer que, si ce n’est pas lui qui a organisé cette agression sauvage, le régime l’a laissée se dérouler sans intervenir, parce que, comme les opérations menées à l’ouest de Homs, de Hama et d’Idlib, ou dans le Jebel Al Zawiyeh, elle entrait parfaitement dans ses visées. Il a laissé faire parce qu’il avait besoin, pour prévenir les doutes et les interrogations au sein de la communauté alaouite, de ressouder sa ‘asabiyya, sa cohésion ou son esprit de corps. Or, comme Michel Seurat l’a jadis rappelé dans divers articles, qu’il est plus que jamais urgent de lire et qui sont de nouveaux accessibles dans Syrie. L’Etat de barbarie, celle-ci ne peut s’affirmer qu’en s’opposant à une autre ‘asabiyya, en l’occurrence celle des sunnites. Le chercheur montrait en particulier, en utilisant les concepts d’Ibn Khaldoun que, « pour asseoir un pouvoir tyrannique (le mulk), un clan ou une communauté mise sur la ‘asabiyya (esprit de corps) en exploitant une « prédication » (da’wa) religieuse ou politique », autrement dit, s’agissant des responsables syriens, en usant d’un discours de résistance à Israël et de refus des projets impérialistes… qui se suffit à lui-même et n’a pas besoin d’être traduit en actes. Or, on le constate aujourd’hui comme hier, « dans ce processus de destruction de l’espace politique, la violence constitue le « mode de fonctionnement », le « phénomène moteur » du système.
Par un étrange paradoxe de l’Histoire, en mettant en place un refuge provisoire… qu’il pourrait rêver de pérenniser, Bachar Al Assad redonnera vie à l’Etat des Alaouites. Créé en 1920 par la puissance mandataire, plus soucieuse de pérenniser la gestion qui lui avait été confiée par la Société des Nations que d’aider la Syrie naguère sous autorité ottomane à accéder à l’indépendance et à la souveraineté, ce territoire avait été rattaché, en 1936, à l’Etat de Syrie. En cette occasion, son aïeul, Soleiman Al Assad, était sorti de l’anonymat. Redoutant que « la fin du mandat mette les minorités du pays en danger de mort et sonne la disparition des libertés de pensée et de conscience », il avait tenté de s’opposer à ce rattachement, au détriment de l’unité de la Syrie, en cosignant avec quelques notables de la région de Lattaquié une pétition adressée à Léon Blum.
L’aspect le plus cocasse de l’affaire est que, recevant en 2005, le journaliste américain James Bennet, Bachar Al Assad a devancé la question que celui-ci envisageait de lui poser à ce propos. Montrant sans vergogne que ses moukhabarat avaient accédé à la boite de courrier électronique du journaliste, il a pris l’initiative et nié contre toute évidence, comme à son habitude, ce qu’il savait exact. Pour démontrer que son grand-père, aussi « nationaliste » que lui, ne pouvait pas avoir oeuvré en faveur de la partition, il a affirmé que celui-ci « voulait le retour de l’Etat des Alouites à la mère patrie, qui est la Syrie ». Il savait, avec ses camarades, que »si l’on divise le pays, nous aurons des guerres. Il valait donc mieux être et vivre avec les autres ».
On constate, une fois encore, de quelle manière Bachar Al Assad met en oeuvre ses principes.
http://syrie.blog.lemonde.fr/2012/06/21/le-regime-syrien-prepare-une-zone-de-repli-dans-la-montagne-alaouite/