La folie répressive dont le régime syrien a une nouvelle fois fait montre à Homs, durant la nuit du vendredi 3 au samedi 4 février 2012, et la cruauté des vidéos qui sont aussitôt parvenues de cette nouvelle ville martyre, rendent urgente la relecture des articles du chercheur Michel Seurat, regroupés dans l’ouvrage intitulé L’Etat de barbarie. Elle est indispensable pour ceux qui, refusant de céder au choc des images, veulent comprendre la logique répressive et sanguinaire selon laquelle fonctionne depuis des décennies le régime syrien, dont Bachar Al Assad assume pleinement désormais l’héritage.
Elle est tout aussi nécessaire pour ceux qui seraient troublés par la désinformation pitoyable immédiatement organisée par le pouvoir. L’exemple vient de haut, puisque Bachar Al Assad a toujours refusé depuis le début du soulèvement de reconnaître la moindre responsabilité dans les crimes commis par les militaires, agents des services de sécurité et autres mercenaires à sa solde lâchés sur les villes en révolte, sur lesquels il a seul, en principe, en sa triple qualité de président de la République, commandant en chef des forces armées et secrétaire régional du Parti Baath, la pleine et entière autorité.
Cette lecture peut être utilement complétée par les pages que le même chercheur a consacré, sous le pseudonyme de Gérard Michaud… remplacé par sa véritable identité dans une nouvelle édition, au « Mouvement islamique en Syrie, 1963-1982 », dans le livre publié en collaboration avec Olivier Carré sous le titre Les Frères musulmans, 1928-1982. Il y expose en détails la séquence des événements et des débats politiques internes au Parti Baath qui avaient abouti, au terme d’une crise de plusieurs années, à la destruction de Hama. Il y montre, citations à l’appui, le rôle clef joué dans la provocation et dans l’incitation à la violence par Rifaat Al Assad.
Ces textes permettent de constater que, de février 1982 à février 2012, si les hommes au pouvoir ont changé en Syrie, leurs manières de faire, inspirées par leur perception d’eux-mêmes et de la société, restent figées dans le carcan que leur imposent la volonté de se maintenir à tout prix au pouvoir et la préservation de leurs intérêts. A Hama, hier, la destruction de la ville sur ses habitants était une vengeance appliquée par un régime apeuré contre une population entière, toutes religions confondues, qu’il fallait punir pour avoir laissé se développer dans son sein un foyer de contestation. A Homs, il n’en va pas autrement. Il ne s’agit pas, encore une fois, d’une opération de restauration de l’ordre menacé par des contestataires dirigés par de prétendus « terroristes islamistes », mais de représailles collectives au détriment de la population civile de quartiers entiers, dont la seule faute est d’avoir exprimé son rejet du système en place et son aspiration à la liberté et à la démocratie.
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L’Etat de barbarie, épuisé dans le commerce, est actuellement en cours de réimpression. La nouvelle édition, qui sera disponible dans quelques semaines, comportera un chapitre supplémentaire intitulé « Les populations, l’Etat et la société » en Syrie, qui figurait dans un excellent ouvrage collectif, La Syrie d’aujourd’hui, édité aux Editions du CNRS, en 1980, sous la direction du professeur André Raymond.
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