FOUAD SAAD, le député des contreforts du Mont-Liban, région mixte peuplée de chiites, de chrétiens et de Druzes, se sent en danger. Membre de la coalition dite du 14 mars (antisyrienne), il partageait la circonscription d’Aley-Baabdat avec son camarade Antoine Ghanem, tué la semaine dernière dans un attentat.
La victime venait de passer deux mois dans un pays du Golfe pour fuir les menaces. Informés de son retour, les tueurs l’ont piégé à la première occasion, à cause d’un rendez-vous qui a duré quelques minutes de trop. « Nous avions été élus, moi comme lui, en 2005, avec les voix du Hezbollah. Les assassins qui agissent pour les Syriens sont convaincus qu’en nous assassinant, ils vont récupérer nos sièges, affirme-t-il. Les élus chrétiens du secteur sont particulièrement visés et je suis l’un d’eux. »
En état de siège
Dès le lendemain du meurtre, Fouad Saad s’est réfugié dans une annexe de l’hôtel Phoenicia Intercontinental, un gigantesque complexe qui comprend trois tours luxueuses.
Reconstruit après la guerre dans un style année 1920, l’établissement est en état de siège. Il faut passer plusieurs contrôles, fouler le tapis rouge d’un escalier monumental, avant de parvenir, au détour d’un ascenseur, devant la suite du parlementaire. La chambre de réception est surveillée par un garde du corps.
« Je suis confiné, comme la plupart de mes collègues de la majorité, dans une cage dorée. Les procédures pour recevoir des visiteurs sont lourdes, » commente Fouad Saad. Pessimiste, il craint le pire. « Aucun endroit n’est sûr. Si nous restons enfermés dans cet hôtel durant plusieurs semaines, ils trouveront un moyen d’atteindre l’un de nous. Nous sommes en permanence sur le qui-vive. Nous vivons dans la peur avec au-dessus de nous une épée de Damoclès. »
Ce matin, les députés de la majorité antisyrienne devraient se rendre en convoi, par une route sécurisée, jusqu’au Parlement distant de quelques centaines de mètres. Seuls les principaux leaders de l’alliance du 14 mars et quelques individualités ont prévu de se rendre par leurs propres moyens à la Chambre.
« Nous avons loué une aile de l’hôtel Phoenicia pour s’en servir de base de repli, en sachant que le processus électoral va être long » explique Marwan Hamadé, qui fut en 2004 la première personnalité antisyrienne cible d’un attentat.
Chaque suite accueille plusieurs parlementaires contraints au désoeuvrement. « Il y a des conciliabules dans les couloirs. On discute, on lit, on suit les informations pour passer le temps » indique Fouad Saad.
Forcés depuis des mois de « jouer au chat et à la souris avec les assassins », les 68 députés de la coalition conduite par Saad Hariri oscillent entre fatalisme et fureur. « C’est à la fois bizarre et absurde de prendre des semaines pour élire un président en cherchant une solution à la libanaise alors que nous sommes engagés contre notre gré dans une interminable partie de roulette russe », peste Elias Attalah, un élu de la gauche démocratique.
Le Figaro