La rencontre a eu lieu le 24 avril, dans le palais présidentiel syrien, à Damas. Le maître des lieux, Bachar Al-Assad, est un dirigeant banni de la communauté internationale. Le complice de Téhéran dans l' »axe du Mal » défini par Washington, blâmé pour son influence néfaste en Irak et au Liban. Celui qu’on appelait le »Lionceau », en référence au « Lion » Hafez, son père, est devenu le « mouton noir » du Proche-Orient. Mais ce jour-là, il reçoit un invité de marque : le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, représentant de tous ces pays qui le rejettent.
De leur entretien d’une heure un quart n’ont été publiés que des communiqués laconiques. La visite a été qualifiée de « positive » par les deux hommes. Mais les « minutes » de cette rencontre, transcrites par un personnel de l’ONU, dont Le Monde a obtenu une copie, montrent une autre facette du président syrien : sûr de lui, conscient de « jouer » sur son territoire. Et il le fait sentir à son interlocuteur.
La situation en Irak et la persistance des violences sont abordées brièvement. Le Liban occupe l’essentiel de la conversation. M. Ban met en avant le « rôle important » que doit jouer la Syrie pour enrayer les divisions libanaises. Damas doit aussi encourager la création d’un Tribunal spécial pour juger les assassins de l’ex-premier ministre libanais, Rafic Hariri.
La réponse du président Assad est sans appel. « Au Liban, dit-il, les divisions et le confessionnalisme sont profondément ancrés depuis plus de trois cents ans. La société libanaise est très fragile. Elle a connu sa période la plus pacifique quand les forces syriennes y étaient présentes. De 1976 à 2005, le Liban était stable alors que, maintenant, y règne une grande instabilité. »
« Celle-ci, renchérit-il, s’aggravera si le Tribunal spécial est créé. Particulièrement, s'[il]est établi sous le chapitre VII [de la charte de l’ONU et qui renforce son caractère contraignant]. Cela pourrait facilement déchaîner un conflit qui dégénérerait en guerre civile, et provoquer des divisions entre sunnites et chiites de la Méditerranée jusqu’à la mer Caspienne. (…) Cela aura des conséquences graves, qui déborderont [les frontières du]Liban », avertit-il.
Ce Tribunal spécial a été formellement créé – sous le chapitre VII – le 30 mai, lors du vote de la résolution 1757 du Conseil de sécurité de l’ONU.
« DANS L’ŒIL DU CYCLONE »
La Syrie, souligne M. Assad, joue au Liban un « rôle constructif, contrairement aux Etats-Unis et à la France », dont les « rôles sont destructeurs ».
Le ministre des affaires étrangères syrien, Walid Mouallem, intervient alors pour « critiquer durement, selon le rapport, l’ambassadeur américain au Liban, Jeff Feltman. » « Feltman devrait quitter le pays, lance-t-il. Et je suis prêt à lui payer des vacances à Hawaï. »
M. Ban enchaîne, plaidant pour le rétablissement des relations diplomatiques entre le Liban et la Syrie. « L’actuel gouvernement du Liban est illégal, répond M. Assad. Le peuple syrien hait le Mouvement du 14 mars [dirigé par Fouad Siniora]. [J’ai] essayé de parler à Siniora, mais c’est maintenant impossible. Néanmoins, si un gouvernement d’union nationale [réclamé par l’opposition libanaise] était formé, la Syrie pourrait revoir cette question. »
Le diplomate sud-coréen évoque ensuite ses craintes au sujet de la politique menée par l’Iran en matière nucléaire. « En tant qu’Oriental, vous devriez comprendre, lui rétorque Assad. L’Iran est une puissance et doit être reconnue comme telle. Ils ont la capacité de perturber l’ensemble du Moyen-Orient et au-delà. (…) Il n’y aura aucune évolution sur ce dossier tant que l’Occident ne reconnaîtra pas à l’Iran le droit à être une puissance nucléaire. »
La rencontre se conclut par les remerciements de M. Ban au président Assad, qui lui glisse : « Nous sommes dans l’œil du cyclone. Vous allez donc avoir besoin de rester en contact avec nous. »
Cécile Hennion
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Un look saisissant!
Ce tyranneau semble marteler : « Je suis un con, je suis un faible, je suis un violent. Donc faut m’aimer, Missié Ban! »