Par Daphné Mathieu
Jérusalem
Pour les Israéliens, l’éclatement du gouvernement d’union nationale palestinien suite à la prise de contrôle de la bande de Gaza par le Hamas est une opportunité diplomatique à saisir. «Un gouvernement palestinien qui n’est pas un gouvernement du Hamas est un partenaire, et nous coopérerons avec lui», a déclaré Ehud Olmert aux journalistes à l’aéroport Ben-Gourion de Tel-Aviv avant son départ pour les Etats-Unis. Le Premier ministre israélien devrait ainsi faire part au président américain de ses projets destinés à renforcer le pouvoir de Mahmoud Abbas en Cisjordanie. Tel-Aviv a notamment évoqué ces derniers jours la levée des barrages routiers en Cisjordanie, le démantèlement de la centaine de colonies sauvages israéliennes sur ce territoire et le déblocage des 600 millions de dollars de taxes sur les produits destinés aux Palestiniens gelés par Israël.
Si, du point de vue israélien, la marche à suivre semble relativement claire concernant la Cisjordanie, la prise de pouvoir du Hamas dans la bande de Gaza crée une situation sans précédent et beaucoup plus complexe à gérer.
«Maintenant, il y a une entité hostile à la frontière sud d’Israël, menée par un groupe armé qui s’oppose à l’existence d’Israël et refuse de le reconnaître [.]. Contrairement au Fatah, qui participe au processus de paix et recherche un compromis entre le mouvement national palestinien et le sionisme, le Hamas considère la destruction d’Israël comme un impératif religieux et évoque, dans le meilleur des cas, la possibilité d’un cessez-le-feu», a écrit ainsi hier l’éditorialiste du quotidien Haaretz (gauche).
Services de base. Une certaine confusion semblait régner hier au sein du gouvernement israélien sur les mesures immédiates à prendre. La question de la fourniture par Israël de services de base – eau, électricité, carburant, nourriture – à la bande de Gaza a ainsi fait l’objet de déclarations contradictoires. Ehud Olmert a annoncé qu’il trouverait le moyen de fournir des médicaments et de la nourriture aux habitants pour éviter une crise humanitaire, alors que quelques heures auparavant le ministre des Infrastructures, Benjamin Ben-Eliezer s’était dit favorable à la suspension de «toute aide à la bande de Gaza, à l’exception de l’eau et de l’électricité, jusqu’à ce que la situation s’éclaircisse.» Elle est d’autant plus tendue et confuse que le front se rallume dans le nord d’Israël avec des tirs de roquettes contre la ville de Kiryat Shmona qui n’ont pas fait de victimes.
Groupe armé. De nombreux commentateurs israéliens expriment ouvertement leur inquiétude face à la formation d’une entité contrôlée par un groupe armé proche de l’Iran à moins de 100 kilomètres de Jérusalem et de Tel-Aviv.
«La prise de contrôle du Hamas sur la bande de Gaza est indissociable de la menace nucléaire iranienne», estime ainsi Boaz Ganor, directeur du Centre interdisciplinaire de Herzliya pour la lutte antiterroriste. «Le Hamas n’est qu’une marionnette entre les mains du président iranien Ahmadinejad. Pour Israël, la menace est démultipliée : l’Iran dispose maintenant de bases territoriales au nord et au sud d’Israël par l’intermédiaire du Hezbollah et du Hamas.»
Les rumeurs sur une intervention militaire israélienne dans la bande de Gaza, omniprésentes plusieurs mois, ont repris de la vigueur. Selon un article publié hier dans le Sunday Times, le nouveau chef du parti travailliste, Ehud Barak, qui doit prendre ses fonctions de ministre de la Défense aujourd’hui, prévoit une opération militaire d’envergure dans les prochaines semaines si le Hamas ne cesse pas les tirs de roquettes Qassam contre Israël ou reprend ses attentats-suicides.
«Base iranienne». Tout en excluant une offensive dans l’immédiat, le président de la commission de la défense et des affaires étrangères du Parlement, Tzahi Hanegbi, a prévenu à la radio que «tôt ou tard Israël devrait mener une offensive dans la bande de Gaza, qui est devenue une base iranienne». Une opinion partagée par Boaz Ganor : «Une opération à Gaza se solderait par de nombreuses victimes des deux côtés et ne résoudrait rien. Mais si le Hamas réussit une attaque terroriste de grande envergure contre Israël, ce qui malheureusement arrivera tôt ou tard, Israël devra mener une opération à Gaza. Mais il sera beaucoup plus facile pour le Hamas d’attaquer Israël quand l’Iran aura fini de développer son arsenal nucléaire.»
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