Il a suffi de quelques mots du Patriarche pour balayer d’un seul coup les déclarations tonitruantes d’un Général en état d’andropause avancée qui dans l’espoir de se faire élire Président croyait pouvoir instaurer « pour une seule fois » le suffrage direct. L’œil pétillant de malice, le vaillant Cardinal s’est, tout simplement, contenté de lui rappeler qu’il n’était pas possible d’amender la constitution « en un clin d’œil ».
Quant aux ténors de l’opposition, Nasrallah Boutros Sfeir a prouvé qu’il n’était pas nécessaire d’être un expert en Droit ni un juriste constitutionnaliste pour savoir lire des mots simples et surtout d’en comprendre le sens. Le Prélat faisait référence sans le citer explicitement à l’article 49 de la constitution:
« Le Président de la République est élu, au premier tour, au scrutin secret à la majorité des deux tiers des suffrages par la Chambre des députés. Aux tours de scrutin suivants, la majorité absolue suffit. »
Comme on le voit, cet article a été rédigé avec une limpidité cristalline et il ne sert à rien aux imposteurs et aux juristes subitement frappés de cécité de se déployer en exégèses aussi futiles qu’extravagantes pour faire dire à ce texte ce qu’il ne dit pas.
Aussi, toutes les querelles byzantines qui allaient depuis quelques semaines en s’amplifiant sur le quorum nécessaire pour élire un Président en remplacement de l’inexpugnable homme lige de Damas se trouvent ainsi réduites à un tissu d’inepties.
Après avoir longtemps tergiversé, le Prélat se jette enfin dans la bataille. L’enjeu est de taille. Il y va tout simplement de l’avenir de la communauté maronite et de son rôle dans l’aggiornamento post-syrien du Liban.
Sa tâche est d’autant plus compliquée, qu’un Général sur le retour ne cesse de ruer dans les brancards pour faire valoir sa représentativité exclusive de l’ensemble de la communauté.
Le Cardinal doit d’abord faire comprendre à Michel Aoun qu’il ne lui est pas permis de sacrifier impunément les intérêts de sa communauté juste pour satisfaire ses propres lubies. Ensuite, il doit prouver à l’opposition, mais aussi aux communautés musulmanes, que le dernier mot dans l’élection présidentielle lui revient « de droit ».
Pour clouer le bec à ceux qui lui contesteraient ce droit, il lui suffit de rappeler que les sunnites avaient bien imposé leur candidat à la Présidence du Conseil et les chiites le leur à la Présidence du Parlement.
La bataille vient à peine de commencer et l’opposition se montre d’ores et déjà prête à tout torpiller, voire à plonger le pays dans le chaos si elle ne parvient pas à faire élire un Président qui ne lui soit pas hostile.
L’été sera chaud, dirait Jacques II de Chabannes, Seigneur de La Palice.