Un tiers des Chinois pratiquent, des cultes clandestins pour la plupart.
Libération
L’opium du peuple cher aux marxistes fait des ravages en Chine. Un tiers des habitants sont croyants, soit trois fois plus que ne le redoutaient les dirigeants de la République populaire. Le chiffre émane d’ Oriental Outlook, magazine proche l’agence de presse Xinhua, et balaye les anciennes statistiques officielles qui donnaient 12 % d’adeptes, toutes religions confondues.
Percée catholique. Une étude menée depuis 2005 par deux enseignants d’une université de Shanghai auprès de
4 500 personnes âgées de 16 ans et plus, donne le chiffre précis de 31,4 % : bouddhistes, taoïstes, chrétiens, musulmans ou adorateurs du Dieu de la fortune, ils seraient 300 millions à chercher le salut au-delà des valeurs communistes. Les religions asiatiques traditionnelles sont largement majoritaires (200 millions), mais les chrétiens, sans distinction entre protestants et catholiques, font une grosse percée, passant de 10 millions à la fin des années 90 à 40 millions aujourd’hui. La plupart ne se revendiquent pas de l’Association patriotique des catholiques ou du Mouvement patriotique des trois autonomies contrôlés par le Parti, mais d’églises clandestines toujours persécutées.
L’étude ne dit pas si on assiste à un renouveau de la foi ou à une simple libération de la parole dans la Chine d’aujourd’hui, où le capitalisme ternit le rouge des drapeaux. En 2005, le Parti avait lancé une vaste campagne pour revitaliser le marxisme, mais avait aussi reconnu le rôle des religions dans la construction de la «société harmonieuse». Mao, seule image sainte autorisée par le Parti aujourd’hui, admettait déjà leur existence : «On ne peut pas écrire l’histoire sans critiquer les religions», a-t-il écrit. C’était avant la Révolution culturelle qui, en son nom, avait persécuté, humilié et détruit tout ce qui sentait l’encens.
Pression maintenue. Trente ans ont passé. Un tiers des sondés chinois osent affirmer que la religion «montre le vrai chemin de la vie». Pour un autre tiers, souvent dans les campagnes, elle «aide à soigner les maladies, permet d’éviter les catastrophes, et assure une vie douce». Mais les nouveaux croyants ne sont pas tous des paysans pauvres et peu éduqués , assurent les auteurs de l’étude : de plus en plus de jeunes, de plus en plus d’habitants des riches régions côtières ont pris le chemin des temples. «Déconcertés par le déclin moral», assaillis par la «pression sociale», selon les enseignants de Shanghai, les citadins sont à la recherche de nouvelles valeurs.
Cela n’empêche pas les autorités, toujours préoccupées par les mouvements religieux, de maintenir la pression. Pour eux, la différence entre secte et religion a l’épaisseur du papier bible. Le 29 juillet, les forces de l’ordre ont entièrement détruit le temple protestant non officiel de Dashan, dans la province côtière du Zhejiang, et ont procédé à une cinquantaine d’arrestations parmi les pasteurs et les fidèles évangélisateurs.
Côté catholique, dix-sept évêques et une vingtaine de prêtres de la branche clandestine ont été arrêtés ou assignés à résidence depuis un an, selon l’agence Asia News. Même les fidèles de Benoît XVI sont suspects : en 2006, Pékin a nommé trois évêques sans son accord. Le Vatican , en rupture diplomatique avec la Chine depuis 1951, multiplie les offensives amicales. Mais le Saint-Siège a beau tendre la main, Pékin entend garder le contrôle.
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