INTERVIEW– Pour l’universitaire Fabrice Balanche, directeur du groupe de recherches et d’études sur la Méditerranée et le Moyen-Orient à l’université Lyon-II, le clan Assad pourrait se replier dans son fief alaouite en cas de perte du pouvoir à Damas.
LE FIGARO. – La riposte du régime peut-elle réussir?
Fabrice BALANCHE. – Le régime en colère cherche à se venger. L’attentat de mercredi a perturbé ses plans. Les forces de sécurité venaient de lancer l’attaque sur les quartiers périphériques de Damas pour empêcher les rebelles de passer à l’offensive, comme ils prévoyaient de le faire pendant le ramadan, qui commence ce vendredi. Il faut bien comprendre la charge symbolique de ce mois. C’est une période où l’on peut galvaniser les gens au nom de l’islam. Le régime savait que de plus en plus d’armes parvenaient aux insurgés. Il devait reprendre l’offensive. Il cherche maintenant à repousser les rebelles dans les villages de la Ghouta, plus loin de Damas. Mais il n’arrivera pas à reprendre l’ensemble des quartiers périphériques. Il lui faut absolument conjurer la prédiction de l’émir du Qatar, qui avait promis de venir fêter l’Aïd à Damas pour la fin du ramadan. L’émir a échoué l’an dernier. Mais cette année, qui sait?
Assad est-il condamné à court terme?
Le pouvoir est fortement ébranlé, mais il n’est pas brisé. La grosse perte pour lui est évidemment Assef Shawkat, même si le beau-frère de Bachar ne faisait pas l’unanimité dans la famille Assad. Turkmani et Bakhtiar, qui ont été tué ou blessé dans l’attentat, sont des sunnites. Les rebelles – sunnites eux aussi – ont réussi à les cibler: cela risque d’encourager les défections parmi les responsables sunnites de haut rang, qui auront peur de se faire assassiner à leur tour. Cela peut également pousser à la défection des officiers sunnites, qui ont été marginalisés pendant des années et sont frustrés. Et finalement cela pourrait contraindre le régime à se recentrer sur son noyau dur alaouite.