Psychose en temps de faillite

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Le monde entier s’apitoie sur le sort du Liban en faillite qui se précipite en enfer, sauf les malfaiteurs qui détiennent les leviers du pouvoir dans un pays qu’ils ont vidé de son sang. On dirait une harde de hyènes qui refusent de lâcher les derniers lambeaux de chair putréfiée sur la dépouille d’une charogne.

 

Face à un tableau aussi dantesque, la visite du ministre français Jean-Yves Le Drian aurait pu constituer un choc salutaire de nature à réveiller la conscience des aventuriers incompétents qui ont en charge les affaires du pays. Le très éloquent monsieur Le Drian avait sans doute oublié l’adage français qui recommande de ne pas donner à boire à un âne qui n’a pas soif.

Des réformes impératives et immédiates ? Que nenni ! Pas avant d’avoir un barrage à Bisri aussi inutile que celui de Msaylaha. Restructurer l’EDL? Volontiers, mais à condition d’avoir une centrale électrique à Selaata, au pied de ce cap rocheux en pleine mer jadis appelé Theouprosopon (visage de Dieu) dont plus de la moitié s’était effondrée lors du séisme et du tsunami qui, le 9 juillet 551, détruisirent toute la côte libanaise et décimèrent sa population. Assainir les comptes de la République ? Mais bien sûr, pour autant qu’on se débarrasse d’abord, par tous les moyens, de ce gouverneur de la Banque centrale qu’on ne maîtrise pas. Respecter les règles procédurales constitutionnelles? Pourquoi faire puisque nous avons des armadas de conseillers plus compétents et plus serviles les uns que les autres ? Réformer la magistrature au nom de la séparation des pouvoirs et la dignité de la justice ? Vous n’y pensez pas ; un magistrat est là pour servir le pouvoir de son maître politique. Imposer une procédure légale de sélection et de nomination des grands commis de l’État ? Il n’y a d’autre procédure que celle de la volonté de l’autocrate. Envoyez donc cette loi au personnel subalterne du Conseil constitutionnel pour qu’il l’évacue. Et ainsi de suite… Au milieu de cet univers kafkaïen et orwellien, monsieur Le Drian a tout de même eu la charitable amabilité de faire un don de consolation aux écoles qui suivent le régime linguistique francophone.

À peine avait-il quitté le Liban que la clique en place se met à crier : au loup, au loup… Le loup étant ce coronavirus qui semble vouloir s’acharner sur l’espèce humaine. D’éminents spécialistes, des autorités en la matière, ont alerté la population sans arrondir les angles, ce qui pourrait induire un état de panique anxiogène dans l’opinion publique. Il est vrai que le langage médical est loin d’être fait de propos lénifiants et de mensonges faussement rassurants comme ceux des hommes politiques. On assiste, depuis 72 heures, à une véritable épidémie de panique provoquée, non par le coronavirus, mais par la clique au pouvoir qui a désespéré monsieur Le Drian.

Le ministre de la Santé, dont on loue le dévouement, nous met en garde contre une recrudescence alarmante de l’épidémie de Covid-19. C’est son rôle après tout bien que les chiffres avancés peuvent être lus de différentes manières. Il fut suivi par le ministre de l’Intérieur, médicalement incompétent, dont l’arrogance autoritaire est loin de rassurer. Voulant ménager l’économie inexistante, il ne trouve rien de mieux que de menacer les citoyens qui négligent leur devoir de responsabilité personnelle, c’est-à-dire qui s’attroupent ou qui manifestent contre le régime et le pouvoir. Et puis, nous avons entendu Mme Petra Khoury, amie et conseillère du sémillant Premier ministre, qui, à défaut d’être aujourd’hui gouverneure de la ville de Beyrouth, se découvre une vocation de Cassandre. Elle nous a brossé un tableau du Liban et de son secteur hospitalier aussi halluciné qu’un tableau de Jérôme Bosch. Qu’est-ce qui justifie l’intervention de madame la prophétesse qui n’est pas médecin mais pharmacienne? Rien, sinon sa position de conseillère d’un homme convaincu que son gouvernement et ses conseillers sont une équipe à produire des réalisations « invisibles ».

On rappellera qu’à ce jour, 19 000 personnes environ seraient décédées en 2020 au Liban dont 47 des suites du Covid-19, soit 0,2 % de l’ensemble. Si on rapporte ce dernier taux au nombre total de la population résidente, conformément aux informations du site Worldometer_Coronavirus Updates, le Liban se situerait à 0,00067 %, soit entre le Maroc (0,00081 %) et la Tunisie (0,00042 %).

Alors que nul ne panique, il n’y a pas de quoi. Soyez prudents, suivez sagement les mesures de prévention qu’on vous recommande. Si vous présentez des signes grippaux, restez chez vous, isolez-vous, et avertissez les autorités sanitaires pour passer un test PCR. Mais surtout n’écoutez pas les prophètes de malheur virtuels et encore moins la mafia politique libanaise qui veut uniquement poursuivre sa sale et criminelle besogne.

acourban@gmail.com

*Beyrouth

 

L’Orient-Le Jour

 

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