À l’approche de Pâques, de jeunes catholiques défient leurs évêques et dénoncent la répression en cours.
Membre de la communauté assyrienne, cet ancien conseiller de Bachar el-Assad est devenu l’un de ses plus farouches opposants. Il vit aujourd’hui en exil. Selon lui, l’initiative de la Pâques commune a été lancée par un mouvement de jeunes chrétiens à l’intérieur de la Syrie, intitulé «Jeunesse de la résurrection unifiée». Mais l’idée ne semble pas être accueillie favorablement par les hiérarchies. Les différents patriarcats catholiques affirment que Pâques sera bien fêté ce dimanche. Le patriarcat grec catholique de Damas reconnaît pourtant que des paroisses ont demandé «à titre individuel» de se joindre la semaine prochaine aux Églises orthodoxes.
L’engagement des dignitaires
Ces demandes émanant de la base traduisent la division des chrétiens syriens, entre une hiérarchie souvent très proche du régime, une frange militante opposée au dictateur et, au milieu, une masse attentiste qui redoute les conséquences de l’arrivée au pouvoir de la majorité musulmane sunnite.
Le pouvoir y voit un intérêt politique évident. Issu lui aussi d’une minorité, les alaouites, secte, aux marges de l’islam, il s’appuie sur les autres minorités, comme les chrétiens (environ 7 % des Syriens) face à la majorité sunnite.
Les chefs religieux chrétiens ont choisi leur camp. Le refus des autorités fidèles à Rome de changer la date de Pâques apparaît d’autant plus politique qu’elles ont elles-mêmes sollicité ce changement auprès du Pape. L’unification des fêtes catholiques et orthodoxes figure en bonne place dans les propositions du synode des évêques d’Orient, qui s’est tenu en 2010. Benoît XVI doit leur répondre dans sa prochaine exhortation apostolique, en septembre au Liban.
Les pâques syriennes éclairent d’un jour cru l’engagement de nombreux dignitaires chrétiens aux côtés du régime. Non seulement aucun d’entre eux n’a protesté contre les massacres de civils par les troupes du pouvoir, mais ils adoptent souvent la version officielle des événements, qui attribue la révolte à un complot international. Ainsi le métropolite grec-catholique d’Alep, Mgr Jean-Clément Jeanbart, affirmait récemment: «Nous voyons l’Occident s’acharner contre notre président.»Les morts, selon lui, sont tous victimes de «la terreur des groupes islamistes armés» – slogan repris de la propagande officielle. «Plusieurs milliers de civils innocents et de militaires ont été victimes de la haine de ces groupes», ajoute l’évêque.
Lettre ouverte
Des voix s’élèvent dans les communautés chrétiennes pour refuser cette alliance, et pour nier le caractère confessionnel de la révolution. Dans sa lettre ouverte aux évêques de son pays, le jeune jésuite syrien Nibras Chehayed, accuse: «De la bouche de certains de nos prédicateurs, les mots claquent comme autant de balles.» Le père Chehayed souligne que des chrétiens se joignent aux manifestations du vendredi. D’autres chrétiens figurent parmi les opposants déclarés au régime, comme l’avocat Michel Chammas, dont la fille a été enlevée par les services secrets.
Reste que l’exemple du chaos irakien, où des milliers de chrétiens ont fui assassinats et enlèvements, inquiète beaucoup de leurs frères syriens. Une attitude résumée avec un peu d’embarras par un autre jésuite, italien installé depuis trente ans en Syrie, le père Paolo Dall’Oglio: «Généralement, les chrétiens espèrent que soit conservé un État protecteur des minorités comme il l’a été pendant les 40 dernières années», explique-t-il à l’agence catholique Fides, tout en ajoutant: «Même s’il faut rappeler que cela s’est fait aux dépens des droits humains».
Le père Dall’Oglio soutient pour sa part le plan de l’ONU adopté par Damas malgré la poursuite de la répression. Opposé à la militarisation de l’opposition, le père Dall’Oglio propose une sortie politique de la crise, basée sur l’instauration d’une «démocratie parlementaire consensuelle» avec un président élu par le Parlement.